LA PAROLE AUX PAILLADINS #31 | Téji Savanier, l’ex petit prince, Jamais devenu roi.

Nous vous proposons régulièrement sur Allezpaillade de prendre la parole. Aujourd’hui c’est Babar, lecteur du site qui nous propose un billet sur le retour de Teji SAVANIER.

Un soir de début d’automne comme on les déteste à Montpellier. Le ciel est gris, la pluie menace, le vent est froid, la Mosson sonne creux. Plus du trois quarts de vide dans les tribunes, un speaker qui débite la composition comme un automate, et une ambiance d’avant match digne d’un dimanche de district pluvieux.

 Julien Laporte ? Quelques applaudissements de politesse. Becir Omeragic, Alexandre Mendy, ça réagit, mais pas de quoi réveiller les endormis. Et puis arrive ce moment :

— Numéro 11… Téji Savanier.

Et soudain, le stade change de peau. Les mains frappent plus fort, les voix montent d’un ton. Pas un cri triomphant, pas une ovation hollywoodienne. Non. Plutôt un souffle, un appui, un “vas-y Téji, on est avec toi, on est la”.

C’est ça, Teji Savanier. Un joueur qui ne laisse personne indifférent. Plus capitaine — destitué après une saison dernière où frasques et implication discutable ont laissé des traces — mais toujours âme du club. Qu’on l’aime ou qu’on le déteste, il représente Montpellier Herault comme à lui tout seul. Demandez autour de vous, dans n’importe quel bar, dans n’importe quel vestiaire de province : quand on parle de Montpellier, on ne demande pas forcemment le classement, ni le dernier résultat. On demande : “Et Savanier, alors ?”

Parce que Téji, c’est ce paradoxe permanent. L’enfant du pays devenu symbole, le meneur de jeu capable de coups de génie, mais aussi le joueur critiqué pour ses kilos de trop ou sa silhouette peu athletique pour un footballeur pro, ses coups de sang, son relâchement. Capitaine déchu, mais encore capitaine de cœur. Il divise, il agace, mais il continue de fasciner si l’ont peut dire.

Crédits Iconsport

Il y a eu ce coup franc contre Amiens, sublime, qui a rappelé à tout le monde pourquoi son nom résonne encore plus fort que les autres. Une caresse de balle, une évidence. Du pur Savanier : ce mélange d’insolence et de poésie qui redonne soudain du sens à un match perdu d’avance. Le genre de geste qui fait lever les mains même dans une Mosson glaciale.

Et pourtant, en le regardant aujourd’hui, on ne peut s’empêcher de penser qu’il ne vit pas dans la bonne époque. Savanier, c’est un joueur calibré pour la Ligue 1 des années 2000, celle où l’on pouvait aligner un meneur de jeu trapu, pas toujours affûté, mais capable de faire basculer une rencontre sur une inspiration. Dans une équipe avec deux milieux récupérateurs solides derrière lui, un jeu plus lent, moins pressant, il aurait été chez lui. Se baladant au milieu, lever la tête, faire vibrer le public avec des transversales chirurgicales, des ouvertures inspirées. Savanier est un animal de demi-espace : entre l’interligne et la dernière passe, il est capable de temporiser, de déclencher, de casser des lignes avec un extérieur. Il ne court pas pour courir ; il se place pour penser le jeu. Sur coups francs, corners et touches longues il reste souvent décisif — même quand ses jambes ne répondent plus comme avant. C’est une configuration connue : le cerveau plus malin que le moteur. Aujourd’hui, le football réclame des milieux infatigables, des pistons qui courent 90 minutes, des athlètes avant tout. Et lui, avec son toucher, son regard, ses coups de patte, donne parfois l’impression d’un survivant, un anachronisme, encore plus en L2 dans une équipe peu inspirée.

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Mais c’est justement ce décalage qui le rend fascinant. Dans un monde où le football s’est industrialisé, où chaque joueur est une machine huilée, Savanier rappelle qu’on peut encore exister par la grâce du ballon. Il n’a pas besoin de sprinter trente fois dans un match pour marquer les esprits. Un coup franc contre Amiens, une inspiration hier contre Boulogne, ou simplement son nom scandé par la Mosson suffisent.

Hier, contre Boulogne, dans un décor sans gloire, ce fut presque pareil. Pas un geste de génie cette fois, mais son nom. Son nom seul, suffisant pour ranimer un stade éteint. Un privilège rare, réservé aux joueurs qui dépassent leur simple rôle. On ne l’acclame pas comme une star, on l’encourage comme un frère. Pas de distance. Téji, c’est le voisin qui joue pour toi, le pote qu’on chambre mais qu’on défend bec et ongles contre les autres.

Et c’est peut-être là que tout se joue : Savanier n’est pas un héros lisse. Il est un personnage de roman inachevé, un joueur de quartier qui a gardé l’accent, les failles, les excès. À Montpellier, certains n’en peuvent plus de ses écarts, d’autres le portent encore aux nues. Mais tous, qu’ils l’admettent ou non, savent qu’il reste l’âme de ce club.

Parce qu’au fond, Montpellier sans Savanier, c’est un peu la Mosson sans tribunes : ça existe encore, mais ça sonne creux.

Alors, à ceux qui s’époumonent à le critiquer, une simple question : avez-vous vu notre équipe dans cette Ligue 2 ? Elle s’annonce encore plus fade que prévu. Maintenant, fermez les yeux. Imaginez la même équipe… sans Téji Savanier. Et vous nous en direz des nouvelles. “

Article proposé par Babar

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