Pierre Ménès : « Des joueurs de Montpellier pris à partie », vraiment ?

14 mars 2018

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Sur son blog, Pierre Ménès a réagit à l’envahissement du terrain par certains supporters Lillois et aux violences sur les joueurs de la part de certains individus. Il en profite pour revenir sur plusieurs événements mais comme souvent, le chroniqueur navigue entre réalité, justesse mais aussi approximation en s’arrangeant avec la réalité pour servir son discours. Le point concernant Montpellier est plus particulièrement le suivant, il affirme que « des joueurs de Montpellier ont également été pris à partie ». Ci-dessous, retrouvez la réaction de Pierre Ménès, certains points évoqués m’ont personnellement fait bondir et la critique qui va suivre ainsi que les avis n’engageront que ma plume. L’occasion aussi de revenir sur la situation des supporters en France.

L’article de Pierre Ménès :

« La soirée de samedi a été marquée par les terribles images en provenance de Lille. Les joueurs de Galtier ont fait un match correct vu leur situation au classement et ont partagé les points avec une équipe de Montpellier bien mieux classée. C’est ensuite que cela a dégénéré. Dès le coup de sifflet final, une partie des « supporters » lillois a envahi le terrain. Ces petits voyous ont donné des coups à leurs propres joueurs, notamment Pépé, le buteur nordiste du soir, qui a pris un coup de pied dans le ventre.

Alors qu’on ne me sorte pas l’excuse habituelle des 50 excités. Là, ils étaient beaucoup plus nombreux que cela. Et ils ont tenté de pénétrer dans les vestiaires, ce qui a occasionné des affrontements avec les services de sécurité. Ce sont des scènes intolérables et qui vont coûter très cher au LOSC, des joueurs de Montpellier ayant également été pris à partie. La sanction pour ce genre de débordements va des matchs à huis clos au retrait de points. Le pire, c’est donc que ces ahuris ont peut-être précipité la chute inexorable de leur propre club. Et là où je leur en veux presque le plus, c’est qu’ils ont donné à Gérard Lopez une excuse en or pour dire « puisque c’est comme ça, je me casse » et planter tout le monde.

Une image bien pourrie du foot français

Il y a quelques semaines, dans le CFC, j’avais pris la défense des supporters, trop souvent interdits de déplacement à mon goût. Que s’est-il passé depuis ? Des bagarres entre supporters de Tours et Orléans, des Marseillais qui saccagent tout au Parc des Princes alors qu’ils ne sont pas venus depuis trois ans, des supporters parisiens qui inondent la tribune Auteuil de fumigènes face au Real – ce qui vaudra au club parisien une sévère punition voire un huis-clos en C1. Et donc, cerise sur le gâteau, cet envahissement de terrain au Stade Pierre-Mauroy.

Après ça, ne me demandez pas de défendre l’indéfendable. J’en suis au point où je regrette d’être monté au créneau pour ces supps qui ont montré qu’ils ne méritaient pas d’être soutenus. Et qui viennent de servir aux préfets de toutes les régions de France une excuse en or pour continuer à multiplier les interdictions de déplacement, de fumigènes etc. C’est dramatique et cela donne une image bien pourrie du foot français. Car des images comme ça, on ne les voit ni en Italie, ni en Angleterre, ni en Allemagne ni en Espagne. Bien sûr, appeler à une prise de conscience collective, c’est super mais cela restera un vœu pieux. On ne peut pas demander à des cons d’être intelligents ni à des voyous de se comporter correctement. »

La critique :

Tout d’abord, Pierre Ménès déclare « qu’une partie des « supporters » lillois a envahi le terrain. Ces petits voyous ont donné des coups à leurs propres joueurs, notamment Pépé, le buteur nordiste du soir, qui a pris un coup de pied dans le ventre. » Oui, c’est exact, il y a bien une partie des supporters Lillois qui a envahi le terrain. Mais le chroniqueur ne semble pas faire de différence et ne fait aucune nuance entre ceux qui sont allés sur le terrain pour protestation mais aussi simplement pour suivre le mouvement, et ceux qui ont utilisé la violence contre leurs propres joueurs. Les violences perpétrées sont bien évidemment intolérables mais au risque de choquer, l’envahissement du terrain en lui-même n’a rien de scandaleux. A mon sens, il faut bien faire la différence entre l’envahissement du terrain par les supporters et les auteurs de violences qui n’en sont pas. Chacun aura sa propre idée, mais l’envahissement du terrain en fin de match (pas pendant) peut-être une action pour manifester un mécontentement et un désaccord avec l’orientation du club et les résultats. Dans d’autres cas, l’envahissement du terrain massif par des milliers de supporters a lieu lors d’événements exceptionnels, festifs et de grands résultats pour un club. Exemple avec la montée du MHSC en Ligue 1 face à Strasbourg, un véritable moment de liesse a suivi le coup de sifflet final avec des milliers de pailladins sur la pelouse pour manifester leur joie. Fallait-il pour autant tous les interdire de stade et sanctionner le club pour ça ? Certainement pas !

Deuxième partie du discours, le chroniqueur lance : « Qu’on ne me sorte pas l’excuse habituelle des 50 excités. Là, ils étaient beaucoup plus nombreux que cela. Et ils ont tenté de pénétrer dans les vestiaires, ce qui a occasionné des affrontements avec les services de sécurité. Ce sont des scènes intolérables et qui vont coûter très cher au LOSC, des joueurs de Montpellier ayant également été pris à partie. » Pour commencer il n’y a pas d’excuse habituelle des 50 excités monsieur Ménès. Ils étaient certes nombreux sur la pelouse si vous considérez qu’ils sont tous à mettre dans le même panier et qu’à partir du moment où un supporter a mis le pied sur la pelouse il doit être traité de voyou. Par contre, et heureusement, ils ont été une poignée seulement à faire preuve de violences envers les joueurs et encore une fois je ne vois pas en quoi ils doivent être mis au même niveau que d’autres, qui peuvent entrer sur la pelouse pour manifester un mécontentement. Par contre, certains ont effectivement tenté de pénétrer dans les vestiaires et il y a bien eu une résistance des services de sécurité. Les individus qui tentent de pénétrer dans les vestiaires des joueurs sont en effet indéfendables et doivent être sanctionnés. Que veulent-ils faire en entrant dans les vestiaires ? Ils n’ont rien à y faire ! Mais le point qui nous concerne plus directement est sa déclaration sur le fait que des joueurs du MHSC auraient été pris à partie. On peut s’étonner de cette déclaration car à ma connaissance, nos joueurs n’ont pas subis de violences. Ils n’ont en tout cas fait aucune déclaration du genre et le club n’a rien déclaré non plus à ce sujet. Alors sur quoi se base Pierre Ménès pour affirmer cela avec tant de certitudes ? Peut-être que je me trompe mais il me semble que c’est une invention car nous aurions bien évidemment traité cela si nous avions eu quelconque information à ce sujet.

Il continue en citant des événements récents : « J’avais pris la défense des supporters, trop souvent interdits de déplacement à mon goût. Que s’est-il passé depuis ? Des bagarres entre supporters de Tours et Orléans, des Marseillais qui saccagent tout au Parc des Princes alors qu’ils ne sont pas venus depuis trois ans, des supporters parisiens qui inondent la tribune Auteuil de fumigènes face au Real. » C’est vrai, Pierre Ménès a souvent déclaré que les interdictions de déplacement étaient trop systématiques et à raison. Mais est-ce aujourd’hui une raison pour remettre en cause cela ? Qu’il y ai eu des bagarres entre individus de Tours et Orléans, ok. Des Marseillais qui ont commis des dégradations au Parc des Princes, ok. Il n’y a pas à défendre ces agissements mais est-ce une raison pour faire le procès de l’ensemble des supporters plutôt que de s’attaquer à ceux qui commettent les actions directement ? Est-ce aussi une raison pour remettre en cause le travail très intéressant de l’Association Nationale des Supporters afin d’instaurer un dialogue entre les instances et les groupes de supporters ? Les groupes de supporters pailladins pourraient d’ailleurs gagner à se rapprocher d’eux afin de grossir un peu plus les rangs et avoir de plus en plus de poids dans les discussions. L’Association Nationale des Supporters produit du contenu et des analyses très pertinentes en défendant l’animation dans les stades. Trois dossiers ont été réalisés : le dossier fumigènes, le dossier tribunes debout et le dossier référents supporters. Personnellement, je suis en total accord avec toutes les propositions de l’Association Nationale des Supporters jusqu’à aujourd’hui, en tout cas dans l’idée générale car il faut ensuite entrer plus précisément dans les dossiers. La mise en cause des parisiens pour les fumigènes face au Real de Madrid m’a faîte bondir. En ce sens, j’en profite également pour déplorer les réactions hostiles incessantes de journalistes comme Stéphane Guy ou Christophe Josse dès qu’ils aperçoivent des fumigènes… Faut-il des tribunes aseptisées de toute animation pour que cela vous convienne messieurs ? Car oui, comme l’Association Nationale des Supporters je pense en effet que les fumigènes font partie intégrante de l’animation dans les stades. D’ailleurs des dirigeants comme Laurent Nicollin, acceptent volontiers de payer les amandes en conséquence car ils aiment le spectacle et l’ambiance que cela peut procurer. Il serait bien plus intelligent de promouvoir une utilisation encadrée plutôt que de se mettre sans cesse en opposition avec l’utilisation des fumigènes. Les peines encourues sont d’ailleurs énormes avec des interdictions de stade, des amendes et parfois même des peines de prison pour avoir seulement craqué un fumigène. Notons également que pendant de nombreuses années, la Ligue s’est elle-même servie des images de tribunes avec des fumigènes pour promouvoir l’ambiance de la Ligue 1. Que des annonces publicitaires pour promouvoir les matchs sur Canal + ou encore Bein Sports utilisent là aussi des images avec des fumigènes. Des outils légaux que l’on peut se procurer facilement et qui sont aussi utilisés lors de manifestations festives, sur des pistes de ski, au Tour de France ou sur des bateaux. Jean-Michel Aulas ou encore Jean-Louis Triaud ont eux-mêmes récemment utilisé des fumigènes avec leurs supporters et combien de joueurs l’ont également fait pour fêter quelque chose ? A l’extérieur du stade, les groupes de supporters les utilisent aussi pour des manifestations et récemment, après le décès de Loulou, la manifestation en son hommage devant le stade de la Mosson n’a pas dérogé à la règle. Philippe Saurel, maire de Montpellier et Président de la Métropole en a lui-même tenu un. Qu’on le veuille ou non la répression est clairement inefficace sur le sujet et elle n’a aucun sens. Les débordements violents avec les fumigènes sont rares et doivent participer à l’animation des tribunes. Des débordements qui ont d’ailleurs souvent lieu suite à des interventions inadaptées et disproportionnées de certains services de sécurité pour un ou plusieurs fumigènes. Des situations de tensions naissent alors de cette ambiguïté. De plus, il y a beaucoup de nouveaux prototypes qui apparaissent. Alors deux poids, deux mesures ? Sans oublier qu’il existe un championnat des tribunes censé récompenser l’animation dans les tribunes par les supporters et l’ambiance… Plus précisément, en ce qui concerne les supporters parisiens face au Real de Madrid, les fumigènes n’ont absolument pas gêné le déroulement du jeu ce qui n’a pas empêché l’arbitre de l’arrêter deux fois alors que la visibilité n’était pas mise en cause. Il n’y a pas eu de jets de fumigènes sur la pelouse ou autre utilisation dangereuse. Simplement une utilisation festive pour un match exceptionnel. Là-dessus, les lamentations des commentateurs étaient insupportables à entendre du style : « C’est interdit donc c’est pas bien ».

Il termine : « Après ça, ne me demandez pas de défendre l’indéfendable. J’en suis au point où je regrette d’être monté au créneau pour ces supps qui ont montré qu’ils ne méritaient pas d’être soutenus. Et qui viennent de servir aux préfets de toutes les régions de France une excuse en or pour continuer à multiplier les interdictions de déplacement, de fumigènes etc. C’est dramatique et cela donne une image bien pourrie du foot français. Car des images comme ça, on ne les voit ni en Italie, ni en Angleterre, ni en Allemagne ni en Espagne. » Mais qui sont « ces supps » qui ne méritent pas d’être soutenus ? Les auteurs de violences évidemment mais les autres ? Parce qu’il y a eu un événement avec quelques abrutis il faudrait arrêter toutes les démarches entreprises par l’Association Nationale des Supporters et les instances ? Parce qu’il y a et qu’il y aura toujours des abrutis il faut que l’ensemble des supporters de France soit pénalisé ? Définitivement la réponse est non mais il est plus facile d’interdire à tous que de sanctionner les cas individuels. Si cet événement est une excuse pour continuer les interdictions de déplacement et de fumigènes et bien on continuera dans la médiocrité actuelle tout simplement et elle n’en sera pas moins médiocre avec ce fait là comme excuse. Pour l’image pourrie du football français et du football en général nous sommes d’accord mais en Italie, en Allemagne, en Angleterre et en Espagne il n’y a jamais eu de problème de ce genre ? C’est dommage mais ça a été justement le cas en Angleterre avec West Ham… Il faut arrêter de raconter des conneries et dénigrer sans cesse le championnat français comme si ça ne se passait qu’en Ligue 1, ce n’est pas la réalité.

Alors en définitive, les violences à Lille ont été l’occasion pour beaucoup de critiquer les supporters sans faire de détail sur les plateaux de télévision. Et surtout l’occasion, pour ceux qui veulent que les supporters n’aient aucune représentation et aucun droit de parole, de se servir de l’événement pour remettre en cause le dialogue et les propositions très importantes pour l’animation de nos tribunes faîtes par l’Association Nationale des Supporters. Occupez-vous plutôt d’identifier et sanctionner les auteurs de violences, ce sera déjà pas mal.

Visionnez le débat sur LCI entre Philippe Piat et l’avocat de l’Association Nationale des Supporters. On vous laissera apprécier lequel a le discours le plus constructif…

Pour aller plus loin sur le sujet :