[Exclu AP] Lilian Compan : « Avec René Girard, on ne s’entendait pas »

Seconde partie aujourd’hui de notre entretien avec Lilian Compan. Recruté par Rolland Courbis, il évoque notamment ses rapports compliqués avec René Girard, la tendresse de Louis Nicollin et l’éclosion précoce de Younès Belhanda en pro.

La saison qui suit, en 2009/2010,  avec l’apport de recrues d’expérience et l’intégration de jeunes, le MHSC étonne. Pensiez-vous que Younès Belhanda aurait tout d’un grand meneur de jeu?

Il y avait deux jeunes qui arrivaient avec, on le sentait, beaucoup de qualité et de marge de progression, c’était Younès Belhanda et Rémy Cabella. Younès a percé plus tôt parce que tout simplement il avait la dalle. Une dalle monstrueuse que Rémy, à ce moment-là, n’avait peut-être pas. Il l’a eu après, mais c’est peut-être à cause de cela qu’il a du patienter plus que Younès. Peut-être.

Mais Younès, dès le premier entrainement, il a mis un tampon à je ne sais plus qui… on s’est tous regardé… On lui a dis « oh jeune, rigoles pas » (rires). On sentait vraiment sa détermination mais également bien sur, sa qualité technique.

On se qualifie finalement pour l’Europa League après ce match au Parc ou vous marquez pour votre dernier match en orange et bleu. Est-ce un regret de ne pas avoir pu continuer ici?

J’avais des regrets pour le but de la montée mais bon, mon dernier but avec Montpellier c’est au Parc, pour l’Europa League. Quelque part, en deux ans, j’avais réussi mon challenge. J’avais aidé le club, à arriver à ce niveau-là, bien évidemment pas tout seul hein, mais c’était une grosse satisfaction. Mais à ce moment-là, sincèrement, je ne pense pas que c’est mon dernier but avec Montpellier. Il me reste un an de contrat, Olivier Giroud arrive, on fait la préparation… j’avais envie de rester pour être la doublure d’Olivier, cette fois, ce n’était pas gênant franchement, j’avais plus ce truc de « temps de jeu », arrivé à 33 ans. Mais avec René Girard, c’était pas ça… Pourtant, je donnais, je donnais mais à un moment donné… Je voulais rester à Montpellier, oui. Je voulais continuer l’aventure, avec la famille Nicollin, oui. Il me restait un an voir deux à jouer, avec un coach avec lequel cela ne passe pas super bien… c’était mon choix de partir. On ne s’entendait pas mais, attention, je ne remets pas du tout en cause sa qualité d’entraîneur et ses choix. C’était aussi, je pense, de la franchise de ma part. Il me demandait un rôle, que je tenais, de cadre de vestiaire. Je le faisais du mieux possible avec certains. Mais à un moment, on ne peut pas tenir ce rôle là et ne jamais avoir de « petite récompense » quoi, rentrer quelques minutes voilà, juste histoire… Il ne voyait pas cela comme ça, bon, c’est comme ça (sourire).

C’est un peu le rôle de Souley, cette saison

Oui, mais il rentre (sourire). Ma troisième préparation, je ne participais même pas aux amicaux. J’ai attendu un petit peu mais quand on voit qu’on ne joue pas du tout… Je ne demandais pas grand chose mais, cela ne s’est pas fait. Je suis parti à Cannes avec beaucoup de regrets, mais c’est comme ça.

Point commun avec Souley Camara d’ailleurs, vous avez joué gardien de but! 

(Rires) Oui, c’était à Caen. C’est un souvenir un peu particulier parce que, quand tous les changements sont effectués et qu’on se retrouve sur le terrain de Lille – à une grande époque des dogues – et qu’on se regarde tous après l’expulsion de Benoit Costil qui, en plus, concède le penalty, beh là… (rires). Il n’y a plus personne! Alors, comme on dit souvent que les attaquants ont un peu le « sens du but », et que c’est une notion on va dire « familière » aux gardiens… Devant il y avait moi et Gouffran. J’ai regardé Yoann et j’y ai dis « je paris que tu ne veux pas aller? » (rires) Il m’a dis non, j’ai pris mes responsabilités et les gants et puis voilà, j’ai essayé de faire de mon mieux mais c’est pas facile, tout comme Souley à Sochaux ! (Rires). Mais Souley, ce fut une très belle découverte en tant qu’homme, en tant que joueur également. Je le savais que c’était un bon joueur, en revanche je ne connaissais pas l’homme et c’est vraiment quelqu’un de droit, sincère et humble. Si aujourd’hui il fait cette carrière, ce n’est pas anodin, il le mérite. Le fait d’être resté à Montpellier toutes ces années, chapeau. Beaucoup auraient aimé rester un peu plus longtemps, moi également.

Les supporters en sont friands. Une anecdote au sujet de Louis Nicollin?

J’ai fait deux ans où il y avait de très bons résultats mais, quand je disais qu’à un moment j’étais un peu dans le trou, je ne marquais plus etc.. je me rappelle qu’il avait été assez dur. Mais c’est aussi le personnage qui veut ça (rires). Il avait eu des mots qui m’avait touché, car c’était aussi pour lui que jouais à Montpellier, pour lui rendre, comme à Rolland, sa confiance. Après il a raison, c’est lui qui met beaucoup dans le club.

Sinon, je retiens surtout les fêtes foraines chez lui, au Mas. Mon fils était tout petit, il va à un stand acheter une gaufre, il sort l’argent et Loulou qui était à côté lui dit « non non, tout ça c’est gratuit. » Mon fils était impressionné : « comment ça se fait que c’est tout gratuit (sic)? Les manèges, les gaufres tout?! » Et là on voit l’amour qu’il avait pour ses joueurs. Il était capable de choses extraordinaires quand tout allait bien, et d’être très très dur avec des mots qui, vraiment, ne font pas plaisir à entendre. C’était vraiment une bonne époque et je suis très content d’avoir pu le côtoyer.

J’ai une autre anecdote durant mon passage au MHSC mais qui ne concerne pas le président. Le jour de la montée contre Strasbourg, 5 amis hyérois étaient venus au Stade de la Mosson. Chacun d’entre eux avait un maillot floqué à mon nom de Montpellier, Saint-Étienne, Caen,… des clubs où je suis passé quoi. Et à la fin du match, quand je vais les retrouver, je les vois au loin, de dos. J’en vois deux avec les maillots de Montpellier et les trois autres sont torses nus… (rires). Je leur dis « pourquoi vous êtes torse nus, vous n’avez pas de maillots vous?! » Et ils me disent « t’imagines pas, on voulait nous égorger! Ils nous ont dis de les enlever, on leur a dit « c’est les maillots de Compan! » Ils ont rien voulu savoir : « c’est Montpellier ce soir!«  » (rires) J’étais mort de rire!

Durant votre passage au club, Laurent Nicollin dégageait-il déjà l’âme d’un futur grand dirigeant? Que pensez-vous de la trajectoire qu’il apporte au club ?

Franchement, oui. Déjà à l’époque, il était dans un rôle très important pour le club. Et le temps nous a montré que Laurent fait tellement de belles choses, en peu de temps finalement. Quand on voit le centre de formation, avec ces jeunes qui en sortent, avec l’équipe première désormais bien installée en Ligue 1. Franchement, chapeau. Je pense qu’il est parti sur la même trajectoire que son père. Il est un peu similaire, tel père tel fils hein (rires). Mais il a quand même sa patte bien à lui.

Aujourd’hui, vous entraînez le club de votre ville natale, le Hyères FC. Dans ce nouveau rôle, vous inspirez-vous de vos entraîneurs Pailladins qui ont marqué l’histoire du MHSC?

J’ai eu de bons coachs durant ma carrière : Guy Lacombe, Frédéric Antonetti, Rolland Courbis, René Girard et j’en oublie. J’essaie de m’inspirer de chacun d’eux tout en gardant ma personnalité à Hyères. C’est ma deuxième saison, la première on a fini 7e, là on est 9e (avec 4 points d’avance sur Saint-Priest, 14e et premier relégable, ndlr.). On a le plus petit budget de National 2 de France. Financièrement parlant, ce n’est pas facile tous les jours. On joue le maintien, chaque année. Avec le travail qu’on essaie de mettre en place, on souhaite se pérenniser dans le milieu de tableau avec l’ambition, dans un moyen terme, de monter un projet pour prétendre à embêter les gros club qui ont 4 ou 5 fois notre budget. J’essaye de trouver des moyens financiers pour m’aider. L’argent n’amène pas toujours des bon joueurs mais ça y contribue un petit peu, notamment dans le milieu amateur.

Bonne saison à vous et Montpellier, si on reprend parce que… j’ai du mal à y croire… Ils ont prolongé le confinement, je pense que cela va partir sur 45 jours total, cela nous amène à début mai, et on pourra pas jouer le 8 mai hein. Sans partir sur 6 semaines de prépa comme en début de saison, il en faut au moins 3, cela nous fait démarrer fin mai… Ils veulent jouer au mois de juin très bien mais il y a les fins de contrat et le recrutement débute aussi. A cette époque, on contacte les joueurs pour la saison prochaine, ça me parait problématique. J’appelle un joueur « je te prends la saison prochaine mais ce week-end on joue contre toi donc… si tu veux venir, faut que tu soit moins bon! » (rires) Je pense que, dans ce cas, ça va être n’importe quoi. Jusqu’à fin juin, à la limite, mais au-delà… D’un point de vue éthique, c’est un peu bizarre.

Mais alors que fait-on? Comme JMA qui proposait au départ une saison blanche?

Non non… Tout le monde va y aller de sa petite idée. Perso, si on peut rejouer, on rejoue jusqu’à mi-juin admettons et on arrête. Par exemple, si on peut jouer jusqu’à la J34, bon et bien, on le fait et voilà, on arrête là. Donc oui certains vont dire « on a joué deux fois le PSG et pas eux« , il y aura toujours des mécontents, et c’est normal… Sinon, la solution, c’est de valider les montées mais pas les descentes. Mais bon, mêmes les candidats à l’Europe râleront à ce moment-là, c’est compliqué (rires). Mais repousser le championnat jusqu’à mi-juillet… Jouer tous les trois jours, les gros clubs ont l’effectif pour, mais les petits clubs, comme Nîmes (rires), ne seront pas satisfait d’une telle décision!

Merci à vous, c’est toujours un plaisir d’échanger de si bons souvenirs. Parfois j’y repense mais, le temps passe tellement vite.. ça fait déjà dix ans!

Un très, très grand merci à Lilian Compan pour sa disponibilité et sa gentillesse à l’égard d’AllezPaillade.com. Toute l’équipe lui souhaite le plus grand des succès das sa nouvelle carrière d’entraîneur et son projet au Hyères FC. La première partie de notre entretien est à retrouver ici.

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