
MHSC : anatomie d’une chute [complet]
A travers une mini-série de 5 épisode AllezPaillade a cherché à revenir dans le passé pour essayer de comprendre ce qui pu conduit le MHSC au naufrage. A l’inverse des films de science fiction, notre machine à remonter le temps ne nous aura pas permis de modifier le présent, mais on espère au moins vous avoir aidé à y voir plus clair dans ces dernières années de brouillard. Vous trouverez ici la version complète de l’article.
1 – Tiens et si on allait se balader au bord du précipice
29 Mai 2018, une époque où la France n’est pas encore double championne du monde, où le scénario d’une épidémie mondiale est cantonné au téléfilm du dimanche après-midi sur TF1 et où le football français est encore bankable. C’était il y a sept ans, ça parait une éternité, ça l’est surement, mais c’est à ce moment-là que le MHSC a fait son premier par vers le précipice qui le mènera à la Ligue 2.
Ce jour-là, la Ligue vient de s’adjuger pour près d’un milliards d’euros, Laurent Nicollin comme tous les autres présidents est radieux : « Demain, si ton patron te dit que dans deux ans, ton salaire va être doublé, quand tu rentres chez toi, tu prends le champagne avec ta femme. » Il faut dire que tous les signaux sont au vert pour le championnat français, sur le marché interne la concurrence entre les diffuseurs TV est âpre : RMC Sport, le nouvel entrant vient de rafler consécutivement la ligue des champions et le championnat anglais à Canal+, BeIN est désormais bien installé dans le paysage footballistique hexagonal et Canal cherche à se refaire. L’arrivée d’un nouveau concurrent espagnol laisse présager le meilleur pour la décennie qui s’ouvre, d’autant qu’un acteur du numérique, Free, s’est offert un lot (les extraits), il est possible de fantasmer autour des fameux GAFAM, « les diffuseurs du futur » . Sportivement, la Ligue 1 ne s’est peut-être jamais aussi bien portée. Marseille vient de disputer une finale de Ligue Europa, Killian Mbappe, nouvelle coqueluche du football français, a rejoint Neymar au PSG. Tout pousse à l’optimisme et peut-être à l’excès de confiance. Car en éconduisant son partenaire historique Canal+, pour une aventure avec la belle espagnole Mediapro, les dirigeants de Ligue 1 ont décidé de ne pas prendre en compte les alertes qui viennent de l’autre côté des Alpes, où les droits TV italien ont été retiré à Mediapro faute de garanties financières sérieuses. Bref, pour une poignée de millions en plus, les dirigeants de Ligue 1 font le choix du risque et ils le paieront. Difficile d’en vouloir à Laurent Nicollin pour cette décision, tant l’aveuglement est unanime parmi les dirigeants du foot français.
2 – Attention aux bourrasques
Jusqu’alors, le MHSC est présenté comme un exemple à suivre parmi les clubs de Ligue 1. En décembre 2018, Laurent Nicollin est élu dirigeant de l’année (je vous invite à relire vos réactions en commentaire pour se rendre de sa côte de popularité de l’époque). Sauf que voilà, c’est à peu près à ce moment là qu’intervient l’imprévu. Soudainement, le vent se met à souffler et pousse le MHSC dangereusement vers la falaise. La première turbulence viendra de l’aéroport de Montpellier. Alors que la pose de la première pierre du futur stade Louis Nicollin est prévu en 2019 dans le cadre de la coupe du Monde féminine, le maire d’alors, Philippe Saurel, est contraint de faire marche arrière. En cause, le nouveau plan d’exposition au bruit (PEB) de l’aéroport publié au printemps de la même année. Il anticipe une hausse du transport aérien dans la Métropole et rend inconstructible une partie des terrains prévue pour des logements. Cambadérès, le site d’implantation du complexe est alors remis en cause et l’équipe municipale se lance dans la recherche d’un nouvel emplacement. 6 ans plus tard, on attend toujours de savoir où exactement le futur stade atterrira, s’il doit un jour sortir de terre. Car entre temps des anticyclones venus d’Ukraine et de Russie ont fait explosé le prix des matériaux, fragilisant mécaniquement le business plan du projet.
Mais la véritable tempête vient de Chine, s’appelle Covid-19, et frappe de plein fouet le MHSC en mars 2020, alors qu’il caracole en première partie de championnat. Cette année-là, comble de malchance, le club ratera la Ligue Europa à une semaine près. Le plus important est ailleurs, en choisissant de figer le championnat à la 28e journée (pas entièrement jouée), la LFP ampute non seulement les clubs d’entrées liées à la billetterie mais surtout amplifie la crise avec ses diffuseurs historiques (BeIN, Canal+) qui refusent de payer les derniers versements correspondant aux droits TV de matchs qui n’ont pas eu lieu. Exsangue, les clubs de Ligue 1 doivent négocier une baisse de salaire avec leurs joueurs. Dans cette crise, le MHSC fait encore figure de modèle de gestion. En ayant constitué au fil des années une réserve de fond propres, la Paillade résiste mieux que les autres clubs de sa dimension. Pour l’instant, car le pire reste à venir.
3 – Vincent, un ami qui vous veut du mal
Si en temps normal, lancer une nouvelle chaîne de TV est un exercice périlleux, en période de COVID on touche à l’impossible. Sans surprise seulement trois mois après les débuts de la chaîne Téléfoot, Mediapro annonce vouloir renégocier son contrat avec le LFP. Fin de non recevoir de la Ligue qui se montrera intraitable allant jusqu’à saisir les avoir du groupe espagnol en France. En décembre 2020, moins de six mois après son arrivée dans le paysage audiovisuel français, c’en est déjà fini de Mediapro. Une ultime conciliation aboutira à ce que le diffuseur renonce à ses droits et s’acquitte de 100 millions de pénalité en échange de l’absence de poursuites judiciaires. S’ouvre à ce moment-là, pour la LFP une fenêtre d’opportunité qui ne se représentera pas. Il était possible de revenir sur le choix de 2018 et repartir avec Canal+, d’autant que depuis septembre la direction a changé, c’est désormais un certain Vincent Labrune qui est aux manettes. A en croire les informations de l’Equipe, la chaîne cryptée propose alors une somme qui 5 ans plus tard laisse rêveur : 590 millions d’euros par saison jusqu’en 2024, avec 100 millions annuels de bonus éventuels, cerise sur le gâteau la filiale de Vivendi s’engage même à consentir une avance de 200 millions à la LFP.
Non, têtu, le nouveau boss de la Ligue veut lancer un nouvel appel d’offre. Résultat des courses : aucune proposition n’atteint le prix de réserve. Pire, la Ligue est humiliée, France Télévision déclare vouloir diffuser les matchs en clair, deux auditeurs de RMC dépose une offre de 156 euros devant un huissier. Le produit Ligue 1 continue à se dévaluer. Pierre Maes, expert français des droits TV dont je vous conseille le livre et les podcasts, synthétise la situation d’alors en ces termes : « la ligue s’enfonce dans le marécage et perd à chaque fois un peu plus de dignité. J’espère que Canal n’est pas l’ennemi de la Ligue car c’est la seule chaîne qui a de l’argent pour elle. La LFP doit lui demander poliment ce qu’elle est prête à lui donner. » Eh oui, le contexte de 2021 n’est plus celui de 2018, les stades sont vides, Altice endetté jusqu’au cou a décidé de réduire les activités de sa chaîne, RMC Sport, Canal+ et BeIN ont été échaudés par l’épisode Mediapro. C’est le pire moment pour partir à la recherche d’un nouveau diffuseur, mais Vincent Labrune n’a pas l’intelligence de le comprendre. Et au lieu de faire un pas vers Canal pour tenter de trouver un accord sur trois ans, il préfère une solution de court terme. C’est bien Canal+ qui diffusera la Ligue 1 mais seulement jusqu’à la fin de la saison, le tout pour 35 millions d’euros. Pour sauver le football français, l’Orléanais a une autre idée en tête : Amazon Prime. Un mouchoir qu’il agite depuis des mois pour pousser Canal+ a faire monter les enchères. Sauf que jusqu’à preuve du contraire, Canal n’est pas un taureau de corrida un soir de San Fermín. A l’été 2021, aura lieu le second appel d’offre. Vincent peut sourire, c’est son chouchou Amazon qui rafle la mise, mais mieux vaut ne pas trop regarder le montant du chèque. 80% du championnat vient d’être adjugé pour 250 millions d’euros, plus de trois fois moins que pour Mediapro trois ans plus tôt. Au total, la Ligue touchera 582 millions, un montant inférieur à ce que Canal proposait en décembre 2020. Pour ne rien arranger, la LFP est définitivement brouillé avec son diffuseur historique qui vient de déposer un recours devant les tribunaux. Masterclass.
Et le MHSC dans tout ça me direz vous ? Eh bien, c’est le club de Ligue 1 le plus dépendant des droits TV. Pour bien s’en rendre compte, il faut imaginer qu’en juin 2023, ils représentaient 71,2% du budget du club. Entre 2018 et 2020, Montpellier avait basé toute sa stratégie sportive sur les prévisions du “milliard de Mediapro“. Pour se maintenir dans le top 10, le club n’avait pas hésité à miser quelques millions sur des joueurs tout en planifiant des plus-values à la revente. Le pire c’est que ça avait bien fonctionné : Delort, Laborde, Mavididi, Omlin, autant de transferts rentables sur le plan sportif comme financier. Le problème c’est que quand vous avez à la tête de la Ligue, un gars qui enchaîne les mauvaises décisions vous voyez votre principale source de revenue se tarir comme neige au soleil. Oui, le MHSC est la première victime de la mauvaise gestion de Labrune et c’est là où l’on touche à l’absurde. Au lieu de sortir les crocs, le Président du MHSC va gentiment passer la pommade à son bourreau. « Ce n’est pas facile de gérer un tel dossier dès le début de son mandat et je le félicite parce que s’il y avait eu quelqu’un d’autre à sa place, je pense qu’on n’en serait pas là où on en est et ce serait encore plus dramatique», peut-on lire dans le Figaro à l’hiver 2021. Cet aveuglement au sujet de Vincent Labrune est la mère de toutes les erreurs de Laurent Nicollin. Car non Vincent Labrune n’est pas un camarade, c’est ce mec qui dit vouloir te raccompagner jusqu’à ta station de métro pour mieux pouvoir te pousser sur la rame qui arrive. La suite le confirmera.
4 – La vieillesse et un naufrage
Été 2021, l’indéboulonnable soleil héraultais est accompagné d’un inhabituel un vent de changement. C’en est fini du SuperMHSC de Der Zak, exit le coach arménien et ses deux attaquants vedettes : Andy Delort et Gaëtan Laborde. La priorité est désormais de renflouer les caisses, c’est donc assez logiquement qu’une nouvelle politique sportive se met en place. Terminé les transferts payants, sous la houlette de Olivier Dall’Oglio, Montpellier mise sur des joueurs expérimentés libres de tout contrat. Mamadou Sakho et Valère Germain, préfigure cette nouvelle ère. Ils seront vite rejoint par Christopher Jullien ou Wahbi Khazri en 2022. Le problème de cette stratégie c’est que même s’il n’y a pas d’indemnité de transfert, il faut bien assumer les salaires. Et un Mamadou Sakho qui vient de Premier League, ça coûte beaucoup plus cher qu’un jeune prospect de Ligue 2. Résultat : dès 2022, la masse salariale du club explose avec une demi douzaine de joueurs qui touchent près de 100 000 euros par mois. Les noms ronflants deviennent vite des boulets sportifs et financiers qui précipitent Montpellier dans sa chute. Le comparatif est frappant: en 2021/2022, le MHSC débourse 33% de plus que Reims ou Brest pour ses salaires (soit plus de 10 millions par saison). L’autre souci c’est que ces salaires représentent un engagement incompressible sur plusieurs saisons, d’autant qu’un trentenaire en échec sportive est quasi invendable. Le tout dans un contexte où les entrées des droits TV ne cessent de baisser, la situation devient vite intenable.
Parce que oui, Vincent Labrune, n’en a pas fini de planter des couteaux dans le dos au MHSC. L’arme du crime s’appellera CVC. Sous couvert de vouloir renflouer les caisses du football français, l’ancien président de l’OM fait surtout un choix court-termiste qui handicape durablement le football français. Contre la bagatelle d’un milliard d’euros, il cède AD VITAM ÆTERNAM 13% des revenus liés aux droits TV au fond CVC. Le deal laisse apparaître l’avènement d’une ligue 1 a deux vitesses où Montpellier se situe clairement dans le second peloton alors même que sportivement le club s’était toujours hissé dans la première partie de tableau entre 2018 et 2021 . Sur les 1,5 milliards d’euros de CVC, le MHSC touchera 33 millions environ 2,5 fois moins que Nice, 6 fois moins que le PSG. Dans l’histoire, Vincent Labrune a pensé avant tout à lui et aux 3 millions qu’il a empoché (soit plus que ce que a touché le Havre) pour lesquels il est aujourd’hui sous le coup d’une enquête pour des soupçons de détournements de fonds publics. L’épisode CVC préfigure surtout la nouvelle répartition des droits TV toujours aussi défavorable au MHSC. Traditionnellement, en France, celle-ci était basée sur un savant calcul composé : d’une base fixe pour chaque club, des résultats sportifs sur les cinq dernières saisons, de la notoriété des clubs. Cela permettait à un club comme le MHSC d’être récompensé de ses bonnes performances au classement. Vincent Labrune profite du deal CVC pour changer cette clef de répartition. Désormais les droits internationaux de la L1 seront redistribué quasi exclusivement aux équipes présentes sur la scène européennes les trois dernières saisons. Devinez quel club pâti de cette décision, le MHSC bien-sûr.
Du côté de Laurent Nicollin, rien ne change. Tel un amoureux transi qui refuse de voir les infidélités de sa copine. Il est persuadé que Vincent Labrune défend ses intérêts alors même que tout prouve que le boss de la Ligue roule pour Nasser Al-Khelaifi, tant les décisions prises avantagent le PSG.
5 – En apesanteur
Lorsqu’en 2023 les négociations avec les diffuseurs TV débutent pour penser l’après Amazon, Montpellier a déjà un pied et demi dans le vide. Les finances du club sont pris en tenaille entre une politique sportive en échec qui a fait exploser la masse salariale et les choix hasardeux de Vincent Labrune qui conduisent inexorablement à la baisse des revenus issus des droits TV.
En revanche, bonne nouvelle, le changement de stratégie sportive commence à porter ses fruits. Montpellier mise désormais sur des joueurs aux salaires moins importants en provenance de championnats “mineurs”. Bećir Omeragić (libre – FC Zurich), Mousa Tamari (libre, Louvain) et Akor Adams (4,5 millions, Lillestrøm) symbolisent ce renouveau. Des choix gagnants qui permettent à Montpellier de faire un début de saison canon. Le problème c’est que ça ne suffira pas, en coulisse les préoccupations sont de plus en plus grandes au sujet des finances du club. Pour renflouer les caisses, Montpellier a besoin d’un miracle dans le cadre du nouvel appel d’offre des droits TV. Il s’appellera BeIn Sport. Pendant des mois, une rumeur circule annonçant que la chaîne devrait se positionner pour la coquette somme de 700 millions d’euros. “Le Qatar va sauver le football français, une nouvelle fois“, c’est ce qu’on entend ici est là. Il faut dire que la crédibilité de l’hypothèse est renforcée par la visite de l’Émir du Qatar à l’Elysée en février 2024, en présence de Vincent Labrune et Philippe Diallo. Même si le deal devrait inclure une nouvelle répartition en faveur du PSG, on se prête à y croire. Sauf que patatras, fini de dépenser à fond perdu, BeIn est aujourd’hui à l’équilibre et ne veut plus se mettre dans le rouge. Les Qataris ne surenchériront pas. Ce qui devait être un triomphe pour Vincent Labrune tourne au fiasco. En urgence, il est contraint de se tourner vers un nouveau sauveur, DAZN, alors même qu’il avait refusé une première offre du groupe britannique (500 millions d’euros pour toute la Ligue 1) quelques mois plus tôt. Finalement, le 14 juillet 2024, c’est au cours d’une visio qui deviendra légendaire que le sort des droits TV est scellé. DAZN se voit attribuer huit des neufs rencontres de Ligue 1 pour 400 millions d’euros, BeIn obtient le reste pour 100 millions. Une somme à laquelle il faut amputer 20% prévus pour CVC ( au lieu de 13% car le fond d’investissement ne s’était pas rémunéré lors des deux premières années de son contrat). Presque rien, voilà ce qui reste des droits TV du foot français six ans après avoir été valorisé à un milliards d’euros.
En commençant, la saison 2024/2025 le MHSC avait donc déjà basculé de l’autre côté du précipice, en apesanteur, le temps d’une chute qui nous menait inexorablement en Ligue 2. On pourra toujours reprocher à Laurent Nicollin ses déclarations sur DAZN et le “resto”, mais les origines du mal sont beaucoup plus lointaines. Elles trouvent leur racines dans la mauvaise gestion du football français lors des cinq dernières années et une politique salariale qui a définitivement plombé les finances du club. Dans ce cadre, la confiance mainte fois renouvelée du Président du MHSC à Vincent Labrune d’une part et aux cadres du MHSC d’autre part est particulièrement incompréhensible car on tient là les deux principaux protagonistes de cette descente.
Si on part du principe que “le plus important ce n’est pas la chute mais l’atterissage“, il faut désormais préparer l’avenir c’est à dire la L2. L’objectif doit être d’assainir le budget du club pour pouvoir réussir un passage devant la DNCG tout en préparant un effectif qui sera compétitif en Ligue 2. La mission s’annonce difficile et des quelques mois à venir dépendra l’avenir du club. A ce tire, les ventes de Tamari, Adams et Nordin absurde d’un point de vue sportif, mais béatifique sur le plan financier, préfigurent l’avenir et cette future phase de transition. Il faudra s’armer de patience car après avoir touché le sol, le MHSC va se lancer dans une longue ascension pour retrouver la Ligue 1.
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