[Exclu AP] Frédéric Garny: « Ma plus belle rencontre c’est Loulou Nicollin » (Part1/3)

Quelques heures avant le déplacement de l’équipe première en Moselle, nous avions eu le plaisir d’échanger durant une bonne heure avec l’entraineur des U19 Pailladins, Frédéric Garny. Vice-champion de France en 2019, 8ème de finale de la Youth League 2019, champion de France 2018, vainqueur de la Gambardella en 2017… C’est le palmarès récent du formateur. Très probablement l’un des meilleurs à son poste.

Découvrez dès aujourd’hui et jusqu’à jeudi cet entretien, décomposé en 3 parties, où en plus d’évoquer sa situation personnelle, nous parlerons de la stratégie de formation du MHSC et des différentes individualités.

Quand vous faites le point sur vos derniers résultats à la tête des U19, ne vous-dites pas, plutôt que footballeur professionnel, ma vocation n’était-elle pas de devenir éducateur ?

(rires) Quand on est footballeur professionnel, on ne sait pas pour autant qu’on est formateur. On le devient grâce à différentes rencontres durant notre carrière. C’est grâce à ça que tu en prends conscience, ou pas. Lors de mon parcours, j’ai eu la chance de croiser deux personnes qui m’ont transmis cette fibre, Angel Marcos à Niort et Jean-Marc Furlan à Troyes. Quand on est footballeur, on pense avant tout à notre carrière, vous ne cherchez pas à anticiper ce genre de choses. Cela vient avec la maturité. Et ma plus belle rencontre durant ce cheminement, c’est le Président, Loulou Nicollin, quand il me dit « Quand tu finis ta carrière, tu reviens à la maison ». 8 à 9 ans se sont écoulés puis un jour, je décide de l’appeler. Il m’a ouvert la porte, il m’a ouvert une belle porte puisque ça a débouché sur une autre rencontre, celle de Ghislain Printant qui s’occupait de la CFA à l’époque. Il m’a mis le pied à l’étrier. Si aujourd’hui, j’ai cette exigence du travail et du détail, c’est à cette rencontre que je le dois. Pour mes débuts en tant qu’éducateur, ce moment fût vraiment important. Retenez que votre vie elle est dictée par des rencontres. A Montpellier, c’est Loulou Nicollin dans un premier temps et Ghislain Printant en tant que tuteur. A ça, on y ajoute nos idées, notre éducation et notre caractère. Personne ne sait vraiment ce qu’il vaut même si on a tous l’envie de bien faire. C’est petit à petit qu’on se découvre dans ce métier. Je le vois aujourd’hui, j’ai une exigence envers moi qui est totale, je suis dans le détail, je suis dur avec moi-même et avec mes joueurs.

 Vous parlez de Ghislain Printant. Nous n’avions pas forcément connaissance de ce lien. Son éviction de Saint-Etienne vous a touché ?

C’est comme lorsque votre ami perd son emploi. Je l’ai mal vécu car on veut toujours le meilleur  pour ses amis. Aujourd’hui, ce n’est peut-être pas encore le moment mais il saura faire son autocritique. J’ai entendu des choses gratuites qui font surtout du mal. C’est un raccourci par rapport à tout ce qu’il a pu faire dans sa carrière. L’acharnement a été dur et j’ai trouvé ça dommage. On peut se tromper d’entraineur mais pas d’homme. Voilà. Le connaissant, il assumera.

Selon vous, Louis Nicollin avait quoi en tête, quand il vous lâche ces quelques mots pour vous proposer un retour au club à la fin de votre carrière ?

Paradoxalement, si Monsieur Nicollin a vu quelque chose en moi lors de mon passage au club, c’est plus chez l’homme que chez le joueur. Malheureusement, je n’aurais jamais la réponse à cette question. Je me suis souvent interrogé mais ce n’est pas toujours évident de se lancer. J’ai toujours gardé une forme de distance, ou plutôt de respect envers mes supérieurs, c’est important pour moi. Même si j’aimais ce Président et que j’aime celui d’aujourd’hui, mon éducation me pousse à ce respect des limites.

 Comment voyez-vous votre avenir aujourd’hui ? Sur Twitter, vous parliez notamment d’une formation pour devenir directeur de centre mais entrainer une équipe première…

En effet, je fais le diplôme qui me permettrait de devenir directeur de centre de formation. C’est une suite logique. Je ne dis pas pour autant que je veux l’être car, aujourd’hui, je suis un homme de terrain et j’aime ça. J’aime être le formateur que suis. Dans mon apprentissage, ce diplôme est avant tout une suite logique. Il m’aiguille dans certains aspects, comme «Comment former les jeunes d’aujourd’hui», «Comment former les nouvelles générations», «Comment communiquer»… C’est une formation sur deux ans qui est lourde. J’ai réalisé un stage à l’étranger à Anderlecht, j’ai eu la chance de pouvoir échanger notamment avec Vincent Kompany qui venait de reprendre l’équipe première. On a notamment évoqué la formation au travers sa carrière et ses passages dans de nombreux grands clubs. Au final, ça m’aide plus dans quotidien de formateur que dans une démarche de vouloir être un directeur de centre.

Lors de notre entretien avec Laurent Nicollin, nous lui avons demandé, si après un départ de Michel Der Zakarian, un jour ou l’autre, il ne possédait pas déjà des solutions en interne. Quand on voit votre culture de la formation qui est l’essence même de notre club, vous y pensez ?

Honnêtement ? Non. Je ne suis pas dans cette projection-là. C’est un club familial, si j’y pensais, ça voudrait dire que l’équipe première ne marche plus aussi bien. Je ne peux pas y penser de cette manière. Aujourd’hui, on a un coach qui pérennise le club et il le fait super bien. Pour nous, au niveau de la formation, c’est important. J’entends beaucoup de choses, au sujet du manque de jeunes en équipe première, mais ce n’est pas si simple. Je suis le premier à vouloir les voir jouer mais si demain, je suis à la tête du groupe professionnel, ces jeunes n’auront pas de garanties supplémentaires de jouer. Car l’objectif est, encore une fois, de pérenniser une entreprise. Une entreprise qui compte énormément de salariés et si Michel ne les met pas ces jeunes, c’est qu’il ne les sent pas prêts. A nous à la formation, de travailler mieux, de travailler plus, pour que ces jeunes soient plus vite aptes à intégrer l’équipe première. C’est comme ça que je vois les choses aujourd’hui.

Pour rebondir sur ce que vous dites, si nous regardons le cas de Joris Chotard. Si Florent Mollet ne se blesse pas à Gérone, aujourd’hui, il ne serait pas où il en est et pourtant, on aurait peut-être entendu que lui aussi n’est pas encore prêt. On est impatient, c’est certain, mais par moment, on peut ressentir comme un frein et heureusement que certains aléas aboutissent à des opportunités…

Dites-vous une chose. Il y a toujours un moment donné, où un jeune va enfin pouvoir rentrer. Quoiqu’il arrive, si le joueur a fait ses preuves à la formation et qu’il flirte avec le groupe professionnel, il aura forcément une petite chance. C’est à ce moment, qu’il devra être prêt. A Gérone, ce fût Chotard qui a eu cette opportunité et qui a fait ses preuves, parce que justement, il était prêt. Face à Nancy, en Coupe de la Ligue, si Cozza ne se fait pas expulser. Est-ce que ce n’est pas Badu qui va rentrer pour une demi-heure ? Donc, l’occasion, tôt ou tard, va toujours finir par se présenter. A eux de tout donner. Le jeune joueur ne va jamais rentrer comme ça pour le plaisir. Il va toujours rentrer parce qu’il y a un fait de jeu. Une suspension, des blessés, un tour en Coupe qui est en train de bien se négocier… C’est comme ça que ça s’est passé pour moi et pour les autres aussi. Au joueur d’être prêt le jour J.

Le problème d’aujourd’hui, c’est cette fameuse génération Z, qui veut tout, tout de suite. C’est leur gros défaut. Ils veulent être pro sans jouer, ils veulent jouer sans travailler ou du moins, sans chercher à pousser les portes. Notre rôle est donc de les freiner et de leur faire comprendre qu’ils auront leur chance, c’est certain, mais qu’ils auront intérêt à être prêt. Alors nous ne sommes pas jamais prêts un jour avant, mais 6 mois avant, en travaillant dur et tout en se montrant forcément patient. Tous les entraineurs feront jouer le mec qui mérite et qui a de la qualité, Chotard a presque fait aucun match avec la réserve mais si Michel Der Zakarian le fait jouer, c’est qu’il sent que les choses lui sont favorables et qu’il peut répondre aux attentes de la Ligue 1.

En conférence de presse, au sujet de Joris Chotard, Michel Der Zakarian déclarait qu’il avait échangé avec les formateurs au sujet de ses qualités. Comment cela se déroule un tel échange ? 

Il n’y a pas un échange direct avec Michel pour évoquer Chotard ou une individualité. Mon échange, il se fait avec le directeur du centre, Monsieur Francis De Taddeo et ce dernier a une relation étroite avec Bruno Carotti. Et moi, quand je vois Bruno Carotti, forcément qu’on échange aussi. On parle d’un club familial, c’est comme ça qu’aujourd’hui, notre réussite elle fonctionne. Tous ensemble, on va réfléchir et avancer des solutions pour rivaliser avec des clubs qui sont mieux armés que nous. C’est notre quotidien qui repose sur l’exigence et les échanges sur des détails. A la formation, on ne compte pas nos heures, on va s’interroger sur ce que l’on peut donner de plus aux gamins pour qu’ils deviennent un jour, une force pour l’équipe première. Que ça soit au Montpellier Hérault ou dans un autre club, d’ailleurs.

Pour revenir sur vous, Laurent Nicollin nous répondait qu’à la manière d’un joueur prêté, un entraineur qui fait ses gammes en formation au MHSC, avant d’aspirer à l’équipe première, doit aussi se tester ailleurs. Comme Michel Der Zakarian à Clermont. C’est un cursus envisageable ?

Je n’y ai pas pensé non plus (rires). Si tu veux, je suis vraiment dans ce cursus de formateur. Quand tu reviendras me voir dans un an, je te dirai peut-être que j’ai envie d’autre chose. Aujourd’hui, je suis totalement à fond dans la formation et ce diplôme. Je prends mon pied. Je ne te cache pas que la réussite rencontrée, sur les dernières saisons, m’aide à prendre mon pied. Je vais t’avouer quelque chose, des propositions pour être adjoint au niveau professionnel, j’en ai eu. Au même titre que pour être formateur dans un autre club. Personne ne sait les propositions que j’ai eu mais je n’en parlerai jamais car ça fait partie du métier. Je sais juste que je suis très bien ici, j’y suis épanoui et pourtant, je parviens à me remettre en cause tous les matins. La chance d’être à Montpellier, c’est de ne pas être dans les compliments entre nous. C’est une force tous les jours. Moi, je me suis rendu compte de mon palmarès comme formateur quand je suis monté à Paris pour ma formation. J’ai vu ce qu’il était en train de se passer autour de moi. Les autres formateurs présents à la formation, qui dépendent tous d’un club professionnel, viennent me voir et me demandent « mes secrets ». Là j’ai réalisé que dans mon métier, j’avais peut-être marqué les esprits en France. Mais il faut rester lucide et ça fait partie de mon éducation. Aujourd’hui, je fais de bonnes choses, je dois en faire profiter mon club de cœur, voilà. Ça n’a pas de prix. C’est quand on part qu’on se rend compte des choses. Quand j’entends des gens se plaindre en interne, moi ça me gêne car je sais la chance que l’on a d’être ici. C’est comme quand on est à la maison, on sait ce qu’on a (rires) mais quand on part… Après, c’est la société française qui est faite de cette manière. Nous ne sommes jamais contents. Bah moi j’arrive à être content de ce que j’ai. Cette question de partir ailleurs, je l’ai très souvent, par mon entourage, mes amis. Je tiens à dire que c’est tout sauf un manque de courage. Même des joueurs professionnels m’en parlent mais je reste lucide. A cet instant, je n’en ai pas envie. Ce que dit Laurent Nicollin est d’ailleurs juste, peut-être qu’il faut partir pour se construire en numéro 1 mais est-ce que ça ne doit pas être dans un premier temps en tant qu’adjoint ? Je ne sais pas… La question, je me la pose quand je reçois des propositions. Je pèse, je réfléchis… mais pour le moment, ce n’est pas dans mes plans.

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