Roger Milla raconte la galère de l’avant-Mondial 90 avec les Lions Indomptables

À regarder de manière brute, le parcours du Cameroun lors du Mondial 90, on pourrait imaginer que les Lions Indomptables et leur buteur Roger Milla ont vécu un rêve. L’aventure aurait pu tourner court entre conditions d’entraînement assez précaires, et le sujet des primes vitales pour certains joueurs qui évoluaient encore au pays. Milla, qui était remplaçant au début, et qui aurait presque dû ne pas faire la compétition, se souvient dans L’Équipe:

« Je suis arrivé le dernier avec Nkono et on avait demandé au sélectionneur (Nepomniachi) de ne pas nous mettre. Un complot avait été mis en place. C’était très très dur à vivre. Le ministre des Sports avait tenu une réunion avec les autres joueurs pour me fracasser ! Le sélectionneur ne me parlait pas. Je ne parlais à personne car personne ne m’avait accueilli, mais j’étais respectueux. J’ai continué à travailler, avec cette méchanceté qui m’entourait, mais tout a changé lors des matches amicaux. Dans les moments sérieux, on voit les gens sérieux et j’ai marqué presque tous les buts. Le sélectionneur m’a alors tout dit. Il avait des consignes et il était très fier de mon travail car je lui avais prouvé que j’étais le meilleur.

Le ministre qui voulait me virer est venu me voir pour dire qu’il me donnerait une prime de 200 000 francs CFA (environ 300 euros) à chacun de mes buts… Il n’en était pas question car je jouais pour mon pays. On dit souvent que quand vous êtes un génie, vous le restez. Il était dit que j’allais éclabousser la Coupe du monde mais je n’ai fait que mon travail. Et j’ai vu que les gens qui étaient contre moi au départ, dans l’équipe, étaient les premiers à me féliciter. Après la Colombie, des jeunes sont venus me voir dans ma chambre et s’excuser : « Grand frère, on ne voulait pas se désolidariser du groupe. Merci. » C’est la première fois que je touche autant de primes. Le monde entier voyait où se situait le Cameroun sur la carte. »

Le Cameroun qui menait 2-1 à sept minutes de la fin en quart de finale contre l’Angleterre, avant de s’incliner 3-2 après les prolongations, aurait pu être le premier pays d’Afrique à atteindre le dernier carré.