[Exclu AP] Frédéric Garny: « Un ou deux «2002» pourraient vous étonner » (Part2/3)

La première partie de notre entretien avec Frédéric Garny, entraineur des U19 Pailladins, était plutôt tourné sur sa vocation et ses objectifs personnels. Dans cette deuxième partie, nous évoquons notamment la stratégie de formation au sein du MHSC, de tactique…

Monsieur De Taddeo est le directeur du centre depuis plus d’un an maintenant. Quelle est la stratégie en place pour favoriser l’émergence de jeunes formés dans le groupe professionnel ?

Tout le monde, de Laurent Nicollin à Michel Der Zakarian, rêveraient de titulariser que des jeunes du club, c’est dans notre ADN. Ces dernières semaines, on a pris une nouvelle direction pour la formation. Je connais mon 3ème directeur de centre après Messieurs Domergue et Stambouli. Et à chaque fois, on essaie d’avancer et d’améliorer les choses. Monsieur De Taddeo est dans ce même cadre, il n’a pas de racines Pailladines, il se les est approprié, il a énormément observé et maintenant, il transmet toute son expérience. Toutes ces pièces ajoutées nous permettent d’être le plus performant possible.

Monsieur De Taddeo nous a fait changer de braquer également sur l’utilisation des joueurs. Pour gagner du temps dans la formation d’un joueur, nous faisons jouer certains jeunes dans des catégories supérieures. Je récupère par exemple des « 2003 » au milieu de « 2001 » ou « 2002 ». Les résultats nous montrent que cela peut fonctionner. C’est un point où on s’améliore. On a aussi diminué les effectifs, donc on fait régulièrement monter ces joueurs qui sont plus jeunes que la catégorie. L’idée c’est de gagner du temps mais avec des joueurs que l’on considère capable de garder le rythme au niveau supérieur. J’ai des « 2003 » qui sont de temps en temps en souffrance mais on les fait avancer plus vite. Je suis tout à fait d’accord avec cette politique.

Comment on identifie le joueur capable d’être surclassé ? Est-ce au départ suite à un manque ou simplement une question de talent plus précoce ?

Il y a un peu de tout. Si on fait monter 4 « 2003 », c’est qu’il y a un manque à un moment donné. Les effectifs étant plus réduits, si on a un blessé, on doit parfois regarder chez les plus jeunes. Mais ce n’est pas seulement ça. On parle beaucoup de date de naissance dans la formation, mais la logique est là même qu’avec Joris Chotard au milieu du groupe professionnel. Ces « 2003 », ils sont là pour dire et pour montrer, qu’ils peuvent déjà évoluer un cran au-dessus. Sur cette base-là, cette année en U19, je n’ai pas hésité à mettre sur le banc des « 2001 » pour faire de la place à des « 2003 ». La concurrence fait partie de leur carrière. Si j’en arrive là le jour du match, c’est que le « 2003 » est meilleur que le « 2001 » à cet instant.

 Comment va réagir un « 2001 » à cette situation ?

« Il prend ça comme un joueur de haut niveau doit le prendre. Soit il plonge. Soit il se relève. Toute sa carrière peut être soumise à des situations similaires. Je n’ai pas connu un grand joueur qui n’est pas passé par la case du banc de touche. A lui de montrer son caractère. Il doit y avoir une remise en cause. Ce n’est pas parce qu’on est champion de France ou qu’on a gagné la Gambardella… A cet âge là, il n’y a rien d’acquis et beaucoup ont du mal justement à se remettre en cause : « J’ai joué la Youth League la saison dernière, comment je peux être mis sur le banc par un 2003 aujourd’hui ? ». Peut-être parce que lui entre temps, il a avancé… Ça s’appelle de la concurrence saine. Je leur répète souvent, qu’un entrainement loupé, n’est jamais rattrapé et aujourd’hui, certains en ratent un peu plus en ce moment. Rien n’est laissé au hasard dans un processus de formation. »

 Avec ce parcours avec les U19, que ça soit en championnat, en Gambardella et même en Youth League, avec des clubs majeurs comme Benfica ou Chelsea, si vous deviez comparer le « niveau » de notre centre de formation par rapport à ces clubs, que nous diriez-vous ?

On peut tout comparer. Je voudrais rappeler une chose. Tu parles de Benfica. On a éliminé Benfica et je crois que les gens ne se rendent pas compte. En Gambardella, on a sorti Lyon qui est composé de joueurs aguerris et pouvait notamment compter sur Cherki, qui aujourd’hui est avec les pros. Les choses réalisées la saison dernière sont plutôt exceptionnelles. On a failli passer à Chelsea. Il faut le retenir toutes ces choses. Benfica, c’est un budget sans égal, c’est ce qui se fait de mieux en formation. On a affronté des joueurs dont un avait déjà une clause libératoire à 25m€. Que ce soit Benfica ou Chelsea, c’est généralement des demi-finales ou des finales de cette compétition sur les dernières années. Sur ce moment, nos curseurs et nos repères sur notre qualité de formation, ils sont très hauts. Maintenant, on doit analyser tout ça pour déterminer ce qu’on devra faire pour le revivre. Analyser également pour identifier nos manques pour former des joueurs similaires à ceux de ces équipes régulièrement. Dans la formation, il ne faut pas se tromper, c’est le collectif mais surtout des individualités. Alors moi, j’ai souvent entendu dire, si les U19 gagnent, c’est parce qu’ils ont un super collectif. Ok, je l’entends. Mais contre de telles équipes, pour réaliser de telles performances, ce n’est pas juste un collectif. Si tu tapes Lyon ou Benfica, c’est que tu as des individualités fortes dans ton groupe. C’est sur ça aujourd’hui que je peux comparer. Quand dans ton groupe, tu termines devant Monaco, c’est la même logique, il y a plus qu’un collectif. Nous ne sommes pas là pour former une équipe mais des joueurs professionnels. C’est notre quotidien. Donc on cherche sans cesse à s’améliorer, alors on observe partout où l’on passe et on obtient des réponses. Forcément, je ne vais pas vous les donner (rires). Mais ça repose fondamentalement sur le travail et dans la manière de travailler. Il faut chercher autre chose si on veut passer devant ces grandes écuries. On doit avancer.

 La vidéo est très à la mode en ce moment. Dès la formation, vous l’utilisez ?

 Aujourd’hui, on a 8 séances d’entrainement par semaine avec le groupe U19 et en effet, on a la chance de pouvoir s’appuyer sur la vidéo pour avancer. C’est un outil exceptionnel. J’ai eu la chance de déjà travailler avec quand je suis arrivé aux côtés de Ghislain Printant, il y a 10 ans. Il m’envoyait à Agde pour observer l’adversaire, je filmais et je faisais mes petits montages tout seul. J’ai extrêmement besoin de cet outil. Je vois autant la vidéo que la personne qui s’en occupe. Il n’aura jamais mon ressenti, on va partager ce que l’on voit mais j’aime maitriser ce que je peux voir. Des fois, je sais déjà où je veux aller sans même la regarder et je lui demande de m’extraire directement les images. En plus de la considérer comme un plaisir, c’est une arme exceptionnelle. Pas que pour observer l’adversaire, c’est surtout pour la progression des petits individuellement. On va faire le retour de match, par ligne de terrain et individuellement.

 Parenthèse refermée, vous jouez à 3 axiaux cette année. Y-a-t-il une influence de l’équipe première ?

Non enfin pas seulement (rires). C’est un système que je ne connaissais pas. On a 7 stoppeurs. Pour donner du temps de jeu et pour pouvoir les juger, car le couperet, il tombe à la fin de la saison. Je ne voyais que ce système pour donner ce temps à chacun. Je gagne un poste, au lieu d’en avoir 5 sur le carreau, ça ne fait plus que 4. Entre les suspensions et les pépins physiques, la rotation est correcte. Voilà, cette explication est à la base de ma réflexion. Puis, j’ai approfondi sur la base de deux autres réflexions. L’équipe première joue en effet comme ça et j’avais la volonté de me mettre en danger. J’ai besoin de chercher mes limites donc j’ai foncé avec ce système. A faire les choses, j’essaie de les faire bien donc j’ai regardé beaucoup de vidéos de l’équipe première. J’ai pu voir ce que Monsieur Der Zakarian demandait à ses joueurs. J’ai observé, j’ai fait des montages par rapport à ce qu’il produit et on essaie de le reproduire, à notre façon. Nous n’avons pas les mêmes profils de joueurs mais j’essaie d’avoir un fil conducteur sur ce modèle.

 Vous parlez de rotation sur ces postes d’axiaux mais vous sollicitez déjà souvent les mêmes noms (Hal Hal, Morales,  Tchato…). Des profils se dégagent ?

Non, je ne pense pas. Récemment, j’ai pris Attoumani qui n’avait pas joué. Tchato et Hal Hal, en effet, c’est des plus jeunes joueurs qui correspondent à ce changement de braquet et à cette volonté de gagner du temps. Je sollicite régulièrement Morales car auparavant, il ne jouait pas beaucoup et aujourd’hui, il enchaine des performances intéressantes. J’ai Dylan Scordato mais qui est souvent avec Romain Pitau. Seul Brandon Chavalle n’a pas encore participé mais il évolue avec les U18. Les blessés depuis le début de la saison m’empêchent aussi de mettre en place un meilleur turnover. Après, je ne suis même pas certain de terminer la saison avec ce système de 3 axiaux, l’intérêt sera dans la continuité des joueurs.

 Par rapport à Enzo Tchato, qui n’a malheureusement pas pu prendre part à la Coupe du Monde U17, c’était une fierté pour vous cette sélection avec le Cameroun ?

Pour le formateur que je suis, c’est une déception. On n’aurait pas vu le même garçon après cette coupe du Monde. Peu importe la catégorie de votre joueur, du moment qu’il prend part à une compétition internationale, il progresse. Il prend de la maturité. Je sais que ce garçon aurait gagné du temps. Le temps est l’élément primordial dans notre domaine. Et une Coupe du Monde, dans la poule qu’il avait avec l’Argentine et l’Espagne, forcément, ça lui aurait apporté des choses importantes pour grandir. Moi comme lui sommes très déçus.

 Aujourd’hui, on entend, petit à petit, parler de la génération « 2003 » comme d’une génération prometteuse pour le MHSC

La génération « 2003 » est plus homogène et a plus de qualité sur son ensemble. La « 2002 », on rencontre plus de difficultés, c’est vrai, mais je parle au niveau du groupe car on ressort quand même des individualités. Si on prend les « 1998/1999 », le groupe était très homogène, avec une qualité très proche, qui permet de s’améliorer plus vite. « 2002 », on n’a pas vraiment cette chance donc forcément ça se voit moins dans le collectif. Nous n’avons pas pu par exemple en sortir un pour jouer cette coupe du monde U17. La « 2003 », si on en parle, c’est qu’elle le mérite. La « 2002 » est moins talentueuse mais elle est travailleuse. Faut faire attention quand même, ici on parle de génération, donc les commenter, ça ne me dérange pas mais sachez que dans les « 2002 », il y a des individualités qui sont très intéressantes. A nous de les mettre en avant, car il y a un ou deux « 2002 » qui pourraient vous étonner.

Identifiez-vous facilement un jeune prometteur ? Et quand vous vous dites, ce joueur peut étonner, vous le signaler ? Comment allez-vous travailler derrière ?

Aujourd’hui, j’ai un œil différent qui me permet d’identifier ces profils. Je ressens certaines choses. Après, c’est le quotidien. Chaque semaine, il y a un retour. Dans la formation, nous sommes uniquement dans l’échange. Quand un garçon est dans les clous, qu’il a de la qualité, on essaie de le faire avancer. On identifie ce qui va lui manquer pour aller encore plus loin. Il y a tellement de choses qui rentrent en compte comme la maturité, l’adolescence, la technique ou la tactique… On a des curseurs que l’on essaie de faire grimper les uns après les autres, une fois qu’ils sont identifiés par l’ensemble du staff. Maintenant, on travaille de la même manière avec le « moyen » ou le « top » joueur. On veut les faire aller le plus haut possible tout en gardant un cap commun : en faire des joueurs professionnels.

Monsieur De Taddeo, il a un œil pour identifier un jeune joueur avec un potentiel. Il va nous donner des clés. Il va être à l’écoute de tous les ressentis qu’on pourra avoir après les entrainements. Il a une expérience énorme, imaginez tous les joueurs qu’il a vu passer devant lui donc il va voir des choses que nous parfois, on ne voit pas. Puis il a un œil neutre, un œil externe. Bruno Carotti est très proche de Francis De Taddeo. Il connait les tops joueurs qui arrivent, on avance ensemble.

Demain, nous vous proposerons la dernière partie de notre entretien avec Frédéric Garny.

Autres articles

BrèvesStadeTop !
Brèves

3 Commentaires

S’abonner
Notifier de
3 Commentaires
Récents
Anciens Populaires
Inline Feedbacks
Voir tous les commentaires
3
0
L’article vous fait réagir ? Commentez !x
AllezPaillade

GRATUIT
VOIR