[Exclu AP] Sébastien Wüthrich : « Courbis en avait rien à foutre de moi »

Sébastien Wüthrich n’aura pas forcément marqué les esprits des supporters Pailladins. Arrivé en toute fin de mercato hivernal 2015 avec l’étiquette de grand espoir de la Nati, il repartira pour la Suisse, un an et demi plus tard, et seulement deux apparitions avec l’équipe fanion. Aujourd’hui épanouit du coté du Servette FC où il brigue l’Europa League, Wüthrich a eu la gentillesse de répondre à nos questions en toute sincérité, en toute transparence. Et l’international espoir a pas mal de choses à dire…

Peux-tu nous expliquer ton transfert de Sion à Montpellier le dernier jour du mercato hivernal 2015? Comment le projet t’avait-il été présenté et quel rôle a joué Rolland Courbis que tu avais croisé en Suisse?

J’avais côtoyé Rolland Courbis comme entraîneur à Sion, lors de son passage éclair car je crois qu’il n’avait pas les diplômes. Il a fait deux mois et demi avant de s’en aller. En janvier 2013, Sion me prête à St Gall où j’ai fait une très bonne saison et demie. Le président de Sion, Christian Constantin, a voulu me reprendre donc j’y suis retourné et je me blesse au ménisque alors qu’il me reste un an de contrat. Sion voulait me prolonger, j’en avais pas forcément envie car je ne m’y sentais pas forcément en confiance avec le prêt etc… Sortant d’une bonne saison à St Gall, je voulais partir. Puis un jour le président de Sion, Constantin, m’a appelé, me disant que Rolland Courbis me voulait à Montpellier. Quand tu joues en Suisse et qu’un club de Ligue 1, qui est sixième à ce moment-là, t’appelle… J’ai eu Courbis au téléphone me disant qu’il va me préparer pendant six mois, jusqu’en juin, pour me mettre dans de bonnes conditions eut égard à ma blessure, dans l’objectif de pouvoir jouer les matchs l’année d’après. Pour moi, tout était bien, j’étais motivé. J’ai signé pour 3 ans et demi et un intéressement de 20% sur une éventuelle revente serait revenu au FC Sion. (Transfermarkt parle d’une indemnité de transfert de 500k, Loulou parlait lui de 400k, ndlr)

En fin de saison, tu es enfin aligné à Lens où, d’après nos souvenirs, ta prestation est plus que correcte. Comment expliquer que tu resteras sur le banc pour les deux derniers matchs d’une fin de saison pourtant en roue libre?

Quand j’arrive à Montpellier, je suis très bien accueilli par Rolland et son bras droit… je ne me souviens plus de son nom… (Jacques Bayle, ndlr). Il était déjà avec lui à Sion, mais je ne sais pas trop quel était son véritable rôle, il était sur le terrain, il regardait… bref. Quand j’arrive ici, j’étais dans le même hôtel que Courbis, au Mercure. On prenait le petit déjeuner ensemble, il y avait une bonne relation. Je commence les entraînements, je suis convoqué à tous les matchs alors que j’étais censé reprendre le rythme etc. Ça allait bien donc j’intègre l’équipe, aux mises au vert etc… Je n’ai pas eu de temps de jeu jusqu’à Lens en effet. Ce n’était pas un super match mais, pour une première, voilà, c’était correct. Je n’ai pas eu d’autres occasions de m’exprimer.

La saison qui suit n’est pas plus glorieuse puisque tu disparais même des convocations, alors que ce devait être ton année d’après le discours de Courbis à ton arrivée. On se souvient notamment d’une sortie médiatique de Louis Nicollin (à retrouver en cliquant ici):

En juin, Rolland Courbis vient me parler. Dans son bureau, il me dit: « il faut qu’on discute : j’ai une possibilité pour toi d’être prêté à Bastia. » Mais bon moi, je viens d’arriver, il m’avait dit qu’il me préparerait pour jouer la saison qui se profilait, et au final, je me fais prêter directement 6 mois après… pour mon image, je n’ai fait qu’un match… Donc je lui dis que je ne suis pas intéressé. Dans l’après-midi, j’appelle mon agent pour l’informer qu’il m’a proposé cela. Dans la foulée, il lui envoie un message lui disant d’assumer ses choix car c’est lui qui m’a fait venir et il lui demande aussi pourquoi vouloir me prêter si vite… Apparemment, Courbis n’a pas apprécié. Le lendemain il m’a convoqué à nouveau dans son bureau. Il avait, je pense, un deal avec un autre agent qui voulait me mettre à Bastia. Depuis que j’ai 16 ans, j’ai le même agent, j’allais pas changer pour ça. En plus, je suis bien ici à Montpellier, et je sens qu’avec le temps je vais pouvoir m’intégrer encore un peu et jouer un peu plus que les six derniers mois. Et là il me fait vraiment comprendre que cela va être très compliqué pour moi, que je n’aurais pas une minute de temps de jeu, que je ne serais même pas dans le groupe… Bon, on a été surpris et effectivement l’année est passée et plus de convocation du tout… Je fais les entraînements avec les pros, mais je suis parfois mis de côté lors des oppositions. Je suis vraiment à la cave. Donc je jouais avec les U21 (la réserve, ndlr). Là, c’était très compliqué. J’ai tenu jusqu’à l’hiver, j’étais en Suisse en famille pendant la trêve et je vois qu’il part. Cela m’a donné de l’espoir. Car à mes yeux, c’était lui le problème, j’avais donc espoir que ça change. Je suis retourné à Grammont et j’ai fait mon entretien individuel avec le nouvel entraîneur, Frédéric Hantz. Il m’a dit: « écoute, je regarde la liste, tu es tout en bas… Tu n’as pas eu de temps de jeu, pour moi c’est compliqué. J’ai un contingent de joueurs et je vais prendre des décisions, cela va changer un peu de ce que tu as eu avec Courbis mais je ne peux rien te garantir par rapport à ce que je vois sur la liste… » Même Dylan Gissi avait plus de temps de jeu que moi (rires). Je me suis motivé pour lui prouver que je pouvais avoir ma place. Après le staff est resté le même que sous Courbis, donc ce fut un problème pour moi: première opposition pour le premier entrainement de Frédéric Hantz pour avoir une vue d’ensemble sur les joueurs, vu qu’il ne les connaissait pas forcément tous; je suis mis de côté. Je peux comprendre, il arrive, il veut des joueurs sur qui il peut compter immédiatement. Je n’en faisais pas partie à ce moment-là. Après, j’ai fait de bons matchs avec la réserve, j’ai marqué des buts etc… Hantz venait régulièrement voir les matchs, contrairement à Courbis qui ne venait jamais. Suite à cela il m’a un peu réintégré dans l’équipe, il m’a convoqué plusieurs fois et m’a fait rentrer à Reims. Je reviens gentiment, j’étais bien mais au final on arrive à la fin de saison, il faut prendre une décision. Il me restait deux ans de contrat, et clairement il ne pouvait pas me garantir quelconque temps de jeu, en dépit des bonnes choses qu’il a pu voir chez moi. J’ai préféré mettre un terme à notre aventure, j’avais besoin avant tout de jouer alors que j’aurais pu bénéficier tranquillement de mon contrat pendant deux ans. Cela faisait un an et demi que je n’avais pas joué. Malheureusement, cela s’est fini un peu en queue de poisson quoi. Mais je suis surtout déçu et triste de la manière dont tout cela s’est fait. Avec le recul, le ressenti que j’ai, c’est clair qu’il y a eu une embrouille contre moi pour ma venue à Montpellier. Pour moi, c’est presque évident…

C’est-à-dire?
A mon avis, mon transfert servait au final d’autres intérêts que le sportif. Je ne sais pas, ce sont des suppositions hein, mais c’est ce que je pense. Courbis en avait rien à foutre de moi, il voulait faire ce transfert-là et, une fois à Montpellier, il voulait déjà me refourguer dans un autre club via un autre agent. Le passage à Montpellier, ce qui est dur, c’est que je n’ai jamais pu prouver ma valeur, on ne m’a jamais laissé ma chance, c’est ce qui est frustrant. Même quand je discutais avec les autres joueurs de l’effectif à l’époque, ils se demandaient pourquoi je n’avais pas ma chance, car à l’entrainement je n’étais pas à la ramasse. Je suis honnête et vraiment, si je n’avais pas eu le niveau pour m’imposer à Montpellier, je le dirais. Après je ne dis pas que j’aurais pu être titulaire indiscutable, mais j’aurais mérité plus de temps de jeu pour au moins montrer mes capacités. Après, j’ai pris beaucoup d’expérience lors de ce passage.

En cliquant ici, retrouvez le droit de réponse de Rolland Courbis.

Louis Nicollin était connu pour avoir la langue bien pendue et des mots parfois très durs… Dans la même déclaration, il t’assimile à « grosse crêpe »…

Je connaissais le personnage avec la télévision. Je savais qu’il était comme cela. Après, ce qui m’a un peu dérangé c’est qu’il ne m’a jamais vu jouer. Je ne l’ai côtoyé que lors des sorties au Mas avec l’équipe. Du coup, je trouvais ça dur de dire tout cela par rapport uniquement aux dires de Courbis, je pense. L’histoire de cette sortie médiatique c’est qu’en fait l’équipe nationale Suisse était venu à Grammont pour préparer l’Euro 2016. Un journaliste suisse que je connaissais lui a posé la question : « vous avez un jeune suisse dans votre effectif… » C’est là qu’il a eu ces mots durs, qui sont sortis en Suisse et qui m’ont donné une réputation compliquée. C’est surtout cela qui m’a gêné car je pense que je ne le méritais pas forcément, même si  je ne lui en veux pas du tout car il ne m’avait jamais vu jouer. On se saluait mais je ne suis pas sur qu’il savait qui j’étais (rires).

Mais, quand j’ai signé à Montpellier j’ai tout de suite vu qu’il y avait eu un gros problème avec le cas Dylan Gissi. Quand je suis arrivé on m’a dit: « on a déjà un suisse que Courbis a fait venir par vidéo, sans qu’on l’ait vu. » Il fait le premier match et Courbis le qualifie d’erreur de transfert et on le met directement à la cave, donc il y avait une image des suisses… Quand je suis arrivé, on m’a tout de suite parlé de Gissi quoi, pour le salaire, pour tout… On m’a dit que c’était Courbis qui m’avait fait venir, qu’on ne me connaissait pas forcément. Apparemment, il avait pas mal de pouvoir, il pouvait faire un peu ce qu’il voulait. Je n’ai pas beaucoup connu Louis Nicollin, mais surtout Laurent Nicollin avec qui j’ai signé mon contrat et avec qui je m’entendais très bien. Et Laurent m’avait également prévenu que par rapport à Gissi, j’allais être un cas un peu différent à cause de cette erreur. Bon il me disait qu’il serait là pour moi mais c’est vrai que cela a été compliqué pour moi dès le début, on m’a fait sentir qu’il y aurait quelque chose contre moi à Montpellier.

Après ton expérience dans l’Hérault, tu signes donc à Aarau, en deuxième division suisse, avant de rejoindre le Servette.

Cela a été dur après une année et demie sans jouer de retrouver un club. Avant Montpellier, je n’avais fait que de la première division et là… Les déclarations de Loulou n’ont pas aidé non plus. Cela m’a fait mal, honnêtement, de devoir aller en D2 Suisse. Quand tu touches à la Ligue 1 et qu’en revenant, tu dois aller plus bas que ton point de départ, moralement c’est compliqué. Bon après, Aarau, c’est un club de première division à la base. Puis ils me voulaient sans hésitation donc je n’ai pas hésité non plus, je voulais vraiment jouer c’était le plus important, avec l’objectif de retrouver la première division. C’était l’objectif d’Aarau mais cette année-là, l’écart était trop grand, notamment avec le FC Zurich. Ils étaient descendus mais avec leur budget, on savait qu’ils remonteraient directement. Xamax ou Servette également jouaient la montée également. Seul le premier monte en Suisse, en voyant la qualité de ces équipes, j’ai compris que ce ne serait pas à Aarau que je retrouverais l’élite.

L’entraîneur du Servette me voulait, je me suis dit qu’ils avaient plus d’avance qu’Aarau donc j’y suis allé en espérant monter en première division. On termine deuxième ou troisième et finalement, après ma 3e saison en D2, on parvient à rejoindre la Super League. On a une superbe équipe, qui fait une superbe saison (4e à un point du podium avant l’arrêt des championnats, ndlr). Il y a aussi un super staff avec notamment Gérard Bono, recruteur qui vient de l’Olympique Lyonnais et qui fait de supers transferts pour le club. On est arrivé en D1 sans se poser de questions et on a fait notre petit trou finalement. Et plus personnellement, j’ai pris beaucoup de plaisir de retrouver la première division après ces échecs. Aujourd’hui, je suis épanoui sur le terrain et c’est le plus important.

Tu as connu l’Europa League avec St Gall, y délivrant même deux passes décisives. Est-ce un objectif d’y retoucher au Servette?

C’est l’objectif de tout joueur, bien sur, on veut toujours toucher plus haut. Je voulais toucher la Ligue 1 bon, j’ai eu mon expérience. Cela ne m’empêchera pas d’y retourner si je dois y retourner, cela ne m’a pas effrayé non plus. On a la possibilité en effet cette année d’accrocher l’Europa League maintenant, on va voir avec le COVID-19. Je l’ai vécu à St Gall où j’ai joué à Valence, à Swansea ou à Krasnodar, ce sont des choses que je n’oublierais pas et chaque joueur veut vivre ça.

Tu as connu toutes les sélections nationales de jeunes, la Nati est-elle envisageable au vu de la bonne saison que tu réalises au Servette (4e à un point du podium qualificatif pour l’EL)?

J’y pense toujours. Avec la saison que l’on fait au Servette pourquoi pas? Après, je sais que le sélectionneur suisse Vladimir Petkovic a son cadre d’environ 30 joueurs et c’est compliqué de s’immiscer. Même si un joueur à mon poste est blessé, il aura toujours 2 voire 3 solutions de rechange avant de songer à de nouveaux joueurs. Après, j’espère toujours et j’y crois même si je sais que cela sera compliqué.

 

Un grand merci à Sébastien Wüthrich pour sa disponibilité et sa transparence dans ses réponses au sujet de son passage délicat au MHSC. Toute l’équipe d’AllezPaillade.com lui souhaite le meilleur au sein du Servette ou ailleurs.

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