[Exclu AP] Frédéric Garny: « Il faut avoir des grosses couilles » (Part 3/3)

Dans cette dernière partie d’entretien avec Frédéric Garny, l’entraineur de la section U19 du MHSC, nous avons pu évoquer le poste de gardien, certains joueurs qu’il avait pu avoir sous ses ordres durant ces dernières années, les cas Joris Chotard et Nicolas Cozza…

Si la signature d’Elye Wahi a provoqué beaucoup de réactions. Durant l’été 2018, le MHSC a recruté un gardien italien, Vincenzo Cozzella. Quelque chose qu’on ne voit pas souvent du côté de Grammont 

La vérité, je ne sais pas. Je ne me souviens même pas s’il a fait un essai. Il a dû faire une matinée. Ce que je me rappelle, c’est qu’on m’a dit que c’était un très bon gardien. Sa venue, franchement, ça ne m’intéresse pas. J’aurais aimé te répondre mais je ne connais pas son cursus. En plus, autant les joueurs de champs, je peux t’en parler pendant des heures, autant les gardiens… (rires) Les entraineurs des gardiens en rigolent toujours mais quand on prépare la compo, je les laisse décider. Je ne connais pas leur technique. On va me dire qu’un gardien est très bon, qu’il a du potentiel mais je suis incapable de te dire qu’il est dans les clous par rapport à son âge. J’ai un gros défaut (rires), je ne vois que leurs lacunes. Pour tout te dire, je suis très dur avec les gardiens, plus qu’avec les autres joueurs. J’ai beaucoup de mal à les évaluer. Forcément, le bel arrêt, je vais le voir mais est-il dans les temps ? A-t-il des manques pour la Ligue 1 ? Je vais avoir du mal à répondre à ces questions. C’est vraiment un poste à part et très compliqué, que ça soit dans l’anticipation, dans la gestion de la profondeur… Il faut être spécialisé là-dedans pour tout comprendre. Et ne crois pas que ça m’intéresse pas, bien au contraire, ça fait partie de mon métier mais y a que les anciens gardiens ou les entraineurs des gardiens qui peuvent réellement en parler. C’est mon avis, je me laisse guider.

Si le gardien est clairement à part, certains postes sont-ils plus privilégiés que d’autres durant la formation ?

C’est une politique qui est fixée par le directeur de centre. Aujourd’hui, certains postes sont privilégiés. On sera d’accord pour dire qu’un attaquant se vend plus cher qu’un défenseur… Puis on a l’obligation d’être capables de former des latéraux au MHSC. C’est toujours embêtant de voir Monsieur Carotti chercher des latéraux à l’extérieur. C’est ce type de postes « clés » où nous devons être performants.

Ce que vous dites me fait penser à votre réaction lorsque Lucas Llort ne s’est pas vu proposer de contrat professionnel la saison dernière. On pouvait croire que vous étiez déçu voire que vous ne compreniez pas ce choix…

Je l’ai très bien compris, je suis à l’intérieur du club. Je suis déçu parce qu’à la formation, nous avons mal fait les choses. On lui a peut-être bouché le chemin à un certain moment. On s’est peut-être précipités à faire signer certains joueurs, qui n’auraient peut-être pas dû, et qui ont fermé la porte à d’autres… Nous devions faire attention. Après la Gambardella, nous avons eu une forme d’euphorie qui a entrainé de la précipitation. Ça doit nous servir aujourd’hui. On ne fera plus cette erreur même si on disait déjà ça après la Gambardella remportée en 2009 avec Monsieur Lippini.  On avait fait signer des joueurs comme Coulomb ou Legras dont on n’entend plus parler aujourd’hui. Alors ce n’était pas les mêmes personnes qui étaient en place, même si j’étais déjà là par exemple avec Ghislain Printant et l’équipe réserve mais on a oublié… Après, je suis déçu car c’est un garçon qui avait l’esprit Paillade et qu’on a du lâcher. C’est valable pour Savanier même s’il n’aurait pas pu réussir en restant ici. Il était dans un noyau, il était dans un trop grand confort.

Vous parlez d’euphorie après un titre mais de manière générale, quel est le process entrainant la signature d’un contrat professionnel pour un jeune ?

La décision elle est prise plus haut. Quand ils sentent le bon moment. Mais c’est surtout un travail collégial par rapport à un joueur qui est prêt ou à devenir. On va se fier aussi aux postes et aux projections. Hilton et Camara arrêteront prochainement donc quand ils prennent une décision de faire signer un joueur, ils n’ont pas la même réflexion que la nôtre. Des postes vont être ciblés selon les besoins, et en fonction, ils vont jeter un œil à ce grand réservoir qu’est la formation pour voir ce qu’il s’y passe. Ça va permettre de guider les décisions. Si le président doit recruter un joueur, il le fera car il ne prendra pas le risque de mettre en péril son club mais aujourd’hui, l’émergence de Cozza ou de Chotard, montre qu’il a la formation dans les tripes.

Pour rebondir, car ça m’y fait penser. On veut que ces jeunes joueurs soient envoyés en équipe première. Mais on oublie que des joueurs comme Cabella ne jouaient pas, alors il est allé faire ses dents à Avignon sauf qu’à Avignon, c’était la même chose, il ne jouait pas car il était en souffrance là-bas. Sauf que ça lui a permis de s’endurcir et de revenir beaucoup plus fort. Jonas Martin, c’est pareil. Il a été prêté à Amiens, il a connu une descente et ça l’a endurci. On les avait fait signer pros mais ils se sont endurcis à travers des prêts, bien qu’ils avaient énormément de qualité. Maintenant, quand c’est le MHSC qui leur ouvre la porte, parce qu’il y a eu la CAN par exemple pour Cabella ou Stambouli, ou parce qu’il y aura un blessé, les joueurs doivent être en capacité de s’y engouffrer.

Ce discours doit donner de l’espoir à des joueurs comme Yanis Ammour ou Joris Gouache qui eux aussi galèrent en prêt :

Prêter Yanis Ammour, c’est tout sauf une punition. Quand il reviendra, on devra voir autre chose de lui. On devra voir un garçon plus mature, qui a travaillé et qui a pris du temps de jeu. La National 1 est un championnat très dur, très athlétique. Maintenant, c’est à lui d’écrire son histoire. C’est la génération Z, ils sont toujours dans l’observations des autres, à penser que ce n’est pas de leur faute s’ils ne jouent pas. A eux de changer la donne. Ils doivent prendre conscience que devenir un joueur de Ligue 1 est très compliqué. Alors il faut travailler. C’est en tout cas logique qu’un joueur comme Ammour devait aller se faire les dents ailleurs.

Joris Gouache, c’est un peu pareil. Je ne sais pas dans quel état il va revenir. Il a quand même du mal à se faire du temps de jeu et c’est un échec pour nous qu’il n’y arrive pas. Pour moi, on a raté ou mal fait certaines choses. J’ai suffisamment de recul pour savoir où mais je ne vous le dirai pas (rires). Je me fais ma propre autocritique même si au départ, c’est une décision collégiale.

Pensez-vous malgré tout que Michel Der Zakarian ne fait pas suffisamment confiance aux jeunes ?

Pas du tout. Tous les jeunes joueurs qu’on cite, je les ai eus sous mes ordres alors il y a un petit côté sentimental que je dois enlever. Michel Der Zakarian mettra un joueur quand il faudra le mettre, c’est ma conception. S’il y a un danger, il ne le mettra pas. Il connait les enjeux d’une rencontre, s’il lance le joueur à ce moment, c’est qu’il sait qu’il a les capacités de répondre présent. Par contre, quand je parle de danger, c’est surtout concernant le joueur. Michel a été formateur et il sait comment on peut valoriser un gamin mais aussi comment on peut le tuer. Je suis admiratif des entraineurs d’une équipe première. C’est un métier très compliqué, ils doivent pérenniser une entreprise. Ce que fait Michel aujourd’hui avec le MHSC, c’est fort car il est un homme du club. Son fonctionne, il est bon. Il entend en permanence qu’il faut faire monter des jeunes mais il garde le cap sur sa ligne directrice, il faut pérenniser le club car on est sur une année charnière financièrement. Cette année, globalement, à la Mosson, on est gâtés. On prend du plaisir et j’ai vu des matchs de très haut niveaux. Et certaines choses sont dures à entendre, contre Lyon, c’est eux qui font un non-match, Monaco, pareil… Ça me désespère. En Italie, si vous passez à travers tout le match mais que vous gagnez 1-0, vous êtes le meilleur. Seul le résultat compte. Ici, tu bats Lyon et Monaco, c’est forcément l’autre équipe qui a mal joué.

Qu’est ce qu’on attend de Michel ? Donnez-lui les joueurs qu’il souhaite et il fera du Barcelone. Ici, il n’a pas accès à tous les moyens que peuvent avoir les très grandes structures. A Montpellier, il est garant d’une entreprise qui vaut des millions. Il n’y a que Paris en France qui peut partir à l’abordage en jouant au ballon. Faire 5 passes de suite pour dire Michel Der Zakarian fait du beau jeu mais que derrière, il ne prend pas de points, il se fera abattre. Mais au final, il a des certitudes, il avance et moi je reconnais avoir pris mon pied cette année au stade comme jamais j’ai pu le prendre. Petit à petit, avec des choix pertinents, il a su mettre en place une équipe solide, ce qu’il a très bien fait d’ailleurs, tout en cherchant à produire du jeu avec des joueurs comme Ferri ou Savanier. Il faut rentabiliser au mieux son effectif.

Une dernière question car vous parler de Ferri et de Savanier… Est-ce que durablement, au milieu de ces joueurs mais également de Mollet ou de Le Tallec, Joris Chotard peut s’installer durablement le 11 ?

Je vais faire le lien avec la question d’avant. Est-ce que vous vous rendez compte que Der Zakarian, il aligne dans son 11, Joris Chotard, contre Nîmes ? Est- ce que c’est un cadeau ou pas ? S’il a les couilles de mettre Chotard sur un derby à domicile, alors que l’an dernier, on les avait violés et qu’ils vont forcément revenir avec de la rage et un état d’esprit différent, c’est qu’il est formateur. Il n’est pas fou. Il ne se tirera pas une balle contre Nîmes. Le courage sur ce moment-là, je ne sais pas si moi je l’aurais eu. J’aurais cherché de l’expérience. Mettre un gamin de 18 ans contre Nîmes, il faut avoir des grosses couilles. Je vous le dis. Alors pour répondre à ta question, elle ne se pose pas car les circonstances font qu’il gratte du temps de jeu et se voit même titularisé. Ferri est blessé, Savanier revenait de blessure… Joris aura forcément un coup de mou mais aujourd’hui, il fait partie des différentes options du 11 de départ pouvant exister. Je trouve qu’il commence à prendre de la place dans cet effectif. A lui d’écrire son chemin…

Mais quand un jeune joueur, après avoir enchainé quelques matchs, disparait du 11 de départ comme Cozza l’an dernier, n’est-il pas affecté par ça ?

Honnêtement. Même si Cozza c’est un autre cas particulier pour moi, j’ai vécu de choses très fortes avec ce joueur, notamment par rapport à des blessures qu’il a pu avoir durant sa formation. Je l’ai eu de longues années dans mon groupe. Est-ce qu’on peut être affecté d’une telle situation quand tous les jours, on s’entraine avec Hilton, Congré et Mendes ? S’il a de l’intelligence, et Dieu sait qu’il en a, il va apprendre. 5 entrainements auront autant d’avantages que 5 matchs dans cette physionomie. C’est une chance inouie d’être au quotidien avec de tels montres d’expérience. Je suis persuadé qu’il en a conscience. 3 stoppeurs de ce niveau, avec autant de matchs de Ligue 1, c’est une force énorme pour lui… Il ne peut en sortir que grandir. Combien de jeunes de 20 ans ont la chance d’avoir un joueur comme Hilton à ses cotés ? Dans l’anticipation, dans l’intelligence de jeu, sur l’hygiène de vie… Ca n’a pas de prix. Quand je te parlais des rencontres au début de notre entretien, lui il le réalisera plus tard qu’il a appris à côté d’un monstre qu’il avait à côté de lui tous les jours à l’entrainement. C’est exceptionnel, tout ça fera qu’il sera un grand défenseur !

Encore une fois, nous remercions Frédéric Garny pour sa disponibilité et pour le temps qu’il a pu nous accorder. Une très sympathique expérience !

La première partie de l’entretien, publié mardi, est à retrouver ici.

La seconde partie de l’entretien, publié mercredi, est à retrouver ici.

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