Jean-Baptiste Durand : la « baballe » à JB, de Montpeyroux à Montpellier

Dans une saison compliquée, la paillade pourra toujours se consoler en ayant remporté un trophée grâce à Jean-Baptiste Durand. Le réalisateur, scénariste et acteur, a en effet obtenu deux César grâce à son film Chien de la casse, celui du meilleur premier film ainsi que celui de la meilleure révélation masculine. Une véritable fierté pour le peuple orange et bleu puisque ce dernier est un fervent supporter de notre club. Malgré les nombreuses sollicitations et un emploi du temps bien chargé depuis son succès, Jean-Baptiste nous a accordé un entretien. Il est aussi lecteur et commentateur assidu du site AllezPaillade. Portrait d’un homme simple aux valeurs authentiques, et qui entend bien le rester.

Nous aurions pu effectuer cet entretien à Montpellier mais c’est à Paris que je retrouve Jean-Baptiste à un bar situé en face du théâtre de la porte saint-martin, où il est invité à assister à une pièce. Dans quelques heures, le MHSC se prépare à jouer un match crucial contre Nice. Avant de commencer l’interview, nous échangeons comme les deux supporters que nous sommes sur l’actualité et la situation difficile de notre club. Nous aurions pu discuter pendant des heures, Jean-Baptiste étant un grand passionné de la paillade. Son histoire fera peut-être écho à la vôtre, car son parcours peut finalement correspondre à n’importe quel supporter. Au-delà du réalisateur, c’est bien le supporter de la paillade et du MHSC que nous souhaitons mettre à l’honneur. Un club qui lui ressemble.

Je sens que je deviens vraiment supporter du club quand les matchs du week-end et les résultats changent mon humeur.

Jean-Baptiste n’est pas né à Montpellier ni dans la région mais à Antibes. C’est à l’âge de 12 ans qu’il débarque au village de Montpeyroux dans la belle Vallée de l’Hérault sans forcément connaître plus que ça le MHSC, en suivant ses parents qui s’y installent pour raisons professionnelles. « A l’époque il y a surtout l’OM chez les jeunes de mon âge, mon amour pour le MHSC s’est développé petit à petit. Au départ, avec les jeunes du village, nous allions au stade grâce à une éducatrice, explique-t-il. L’attachement au club et la ferveur viennent progressivement et encore plus quand je m’installe à Montpellier pour les études. » De Montpeyroux à la Mosson, c’est une véritable expédition pour la bande de jeunes à chaque match de Montpellier à domicile. Une aventure qui forge des liens et des souvenirs. « On trouvait toujours un moyen d’y aller ensuite, les potes plus anciens qui avaient des voitures emmenaient les autres. Je sens que je deviens vraiment supporter du club quand les matchs du week-end et les résultats changent mon humeur de la semaine. Je suis devenu accroc », livre-t-il. Personne ne le contredira sur ce point… A 17 ou 18 ans, Jean-Baptiste commence à s’abonner « en fonction de mon budget en tant qu’étudiant, il y a des saisons où je n’ai pas forcément pu ». La passion est bien là, il vivra la descente, les années ligue 2, le sauvetage du national, puis la remontée et la belle histoire que nous connaissons ensuite.

Passionné par le dessin et par le club, Jean-Baptiste se rend de temps en temps au centre d’entraînement à Grammont emmené par sa mère avec quelques potes du village. « J’aimais y aller pour faire des dessins de joueurs, je me souviens de Bamogo et Lefèvre notamment. On pouvait avoir des contacts sympas avec eux et je me souviens que j’avais pu jouer et faire des tirs au but avec Rudy Riou, raconte Jean-Baptiste. Laurent Pionnier était déjà là aussi, il m’avait même filé ses gants. Contre un dessin, j’ai aussi eu les chaussettes du Cameroun de Bill Tchato que j’ai longtemps gardé. » Les souvenirs d’une belle époque malgré des résultats pas toujours exceptionnels, mais les relations humaines et les échanges avec les acteurs du club forgent encore d’avantage son attachement à la paillade. Jean-Baptiste titille aussi la baballe de son côté. « J’ai joué au foot à Gignac, à Montpeyroux et à Saint-Jean-de-Fos où je termine ma carrière de niveau district ! [rires] » Le football tient donc une place importante dans son parcours.

Dans tous mes films j’essaie de faire un petit clin d’œil à nos couleurs, c’est important pour moi.

En parallèle, il y a tout de même les études. Aux Beaux-Arts à Montpellier, il suit une formation pluridisciplinaire « entre dessin, vidéo et peinture ». Il se met ensuite à la réalisation de courts-métrages et son travail évolue vers le cinéma. Pour développer ses compétences, Jean-Baptiste agit en autodidacte. Il travaille sur différents plateaux comme technicien, décorateur, assistant-réalisateur ou encore comédien et réalise même des clips de rap. « J’ai pu me former seul en regardant ce qui se faisait lors des tournages de plusieurs films, confie-t-il. Après, j’ai pu commencer à développer un réseau pour aboutir à mon premier court-métrage « Il venait de Roumanie » en 2014, tourné à Montpeyroux et au Pouget. » Déjà, les thèmes chers à Jean-Baptiste sont visibles. Montrer la vie d’un village et sa jeunesse qui peut avoir des origines multiples, là où se font et parfois se défont des amitiés à la limite de l’amour vache. Ce que l’on retrouvera ensuite dans Chien de la casse, tourné là encore au Pouget. Avant cela, il réalise une dizaine de courts métrages. Les couleurs de la paillade ne sont jamais bien loin dans son travail. « Dès mon premier court-métrage j’ai sollicité le club pour avoir un maillot, des fanions, des écharpes. Dans tous mes films j’essaie de faire un petit clin d’œil à nos couleurs, c’est important pour moi », assure le pailladin. C’est aussi le cas dans Chien de la casse où le personnage Dog est supporter de Montpellier, équipe qu’il prend lorsqu’il joue à FIFA et il se voit même offrir un maillot du MHSC. Pendant le tournage, Jean-Baptiste porte d’ailleurs souvent des attributs aux couleurs de la paillade. Dans ses productions, il met un point d’honneur à « redonner de la force aux régions, aux villages et aux autres villes que Paris, c’est vraiment un truc émotionnel chez moi ! » Pour lui, « rester à Montpellier et pouvoir faire travailler les gens d’ici est un véritable enjeu ». Pour exemple, dans le générique de Chien de la casse, ce sont deux rappeurs locaux qui sont à la manœuvre : G.R.E.G et Roya Killa. Et c’est le cas dans toutes les spécialités qui gravitent autour du film. Il en profite pour préciser : « J’ai horreur de ce mot « province » notamment. J’aime montrer la diversité du territoire et tous mes choix sont liés à ça. A Montpellier et dans la région je suis bien, je travaille avec les gens et je suis abonné au stade. Je n’ai pas la nécessité d’être à Paris pour travailler, je m’en bat les couilles ! » Un langage fleuri, franc et honnête que n’aurait pas renié un certain Loulou Nicollin. Inutile de dire que cet homme a du chien !

Rester à Montpellier et pouvoir faire travailler les gens d’ici est un véritable enjeu.

Il commence la réalisation de Chien de la casse en 2016. Son premier long-métrage mettra cinq ans à se faire, « une durée relativement courte pour une première, car il faut compter en moyenne entre quatre et huit ans ». Ecriture, financement, repérages, casting, tournage, le travail est conséquent. Il lui faut un an et demi pour terminer le casting où il choisit Raphaël Quenard (Mirales), Anthony Bajon (Dog) et Galatéa Bellugi (Elsa) dans les rôles principaux. Lors du tournage, là encore le MHSC n’est pas bien loin. Les trois acteurs ne sont pas des supporters de Montpellier, le premier penche plutôt pour le PSG, tandis que le second serait davantage pour l’OM, original me direz-vous. Qu’importe, Jean-Baptiste démontre sa singularité : « Pendant le tournage on est allé voir MHSC-Lyon ensemble et je leur ai offert une écharpe du club à chacun, ils n’avaient pas le choix [rires]. » En début de tournage, il se souvient aussi d’un match contre Nice. « Je leur ai dit que si on gagnait ça allait bien se passer pour le film. On a gagné et on connait la suite maintenant. » Mais une question se pose, l’accent de Raphaël Quenard qui n’est pas vraiment typique des villages de l’Hérault… « Je me suis bien sûr posé cette question mais je ne pouvais pas passer à côté d’un si bon acteur pour ça. Le problème a donc été réglé en disant qu’il venait de Grenoble », précise Jean-Baptiste. Le film sort finalement le 19 avril 2023 dans les salles, il est distribué par BAC films. Il restera 14 semaines à l’affiche, notamment grâce au public et au bouche à oreille. Les gens se reconnaissent dans une histoire simple mais surtout authentique de la jeunesse des villages, ou encore dans l’amitié fraternelle entre les protagonistes. « Sans un gros casting, sans beaucoup de publicité, sans obtenir de gros labels ou festivals, cette histoire a pris et ça nous échappe un peu, livre Jean-Baptiste. Je ne pensais pas faire plus de 50 000 entrées au départ. » Le film atteint finalement 120 000 entrées environ aujourd’hui et ce n’est pas terminé puisqu’il a été reprogrammé ensuite dans quelques salles.

Je veux toujours pouvoir placer Montpellier et faire des références au club dans mon travail.

Après la cérémonie des César où le film remporte deux récompenses, Jean-Baptiste doit gérer de nombreuses sollicitations. « Je me suis replié dans ma grotte à Montpellier avec les copains. Le succès m’a apaisé finalement car je me dis que je peux continuer à faire ce métier, explique-t-il. Rendre fiers les miens, les potes, la famille, le village, c’est ce qui est important. » Au cours de notre entretien, il reçoit un appel de Raphaël Quenard avec qui il échange quelques nouvelles. L’occasion pour Jean-Baptiste de rappeler qu’ici c’est la paillade ! Une relation particulière s’est semble-t-il installée entre le réalisateur et ses acteurs, à l’image des valeurs du film finalement. Pour lui, l’avenir consiste désormais « à continuer à défendre le film, faire de la pédagogie, travailler avec les étudiants et les comédiens. Je bosse aussi en tant qu’acteur sur un film et j’écris actuellement mon deuxième long-métrage. » Il sera en effet à l’affiche du film Miséricorde, d’Alain Guiraudie et planche actuellement sur L’homme qui avait peur des femmes. Il tient à préciser : « Je veux toujours pouvoir placer Montpellier et faire des références au club dans mon travail. » Lors de la rencontre à domicile face à Strasbourg, le pailladin a été invité par le MHSC à donner le coup d’envoi. « C’était vraiment un honneur pour moi. Emotionnellement c’était fou car je suis de nature plutôt timide. Je n’aime pas trop la lumière, dit-il sobrement. Au match précédent, j’ai participé à la Partouche barre aussi et c’était sympa avec les potes du village dans les tribunes. »

Je continuerai à râler, à encourager et à y croire jusqu’au bout.

Mais alors que le match face à Nice se profile, nous devons évoquer l’actualité du club. « Je vis mal la saison comme beaucoup de monde, c’est une source d’inquiétude. Je suis d’autant plus déçu que je croyais fort en ce groupe, soupire le pailladin. J’étais même à Lyon quand on a gagné 4 à 1, ça donnait de l’espoir. Puis c’est une dégringolade incompréhensible avec un manque de volonté et un esprit paillade qui a disparu. C’est une des premières fois où je suis vraiment pessimiste avec ce que je vois sur le terrain. Mais peu importe, je continuerai à râler, à encourager et à y croire jusqu’au bout. » Sentiment sûrement partagé par l’ensemble de la communauté pailladine. « Je ne reconnais pas le club, je me souviens des années 2000 où c’était une dinguerie, la folie presque à tous les matchs notamment à la fin, se remémore-t-il. Aujourd’hui, quand on applaudit à la 74e minute ça veut pas dire que le match est fini ! [rires] » Quel est alors son meilleur souvenir avec la paillade ? « Le match de la montée contre Strasbourg surtout après s’être sauvé du National l’année d’avant à égalité avec le titre de champion de france. Quand on se sauve, tout le monde va sur la Comédie et la montée ensuite… C’était l’euphorie, j’étais bourré sans avoir bu d’alcool, s’exclame Jean-Baptiste. Dans l’esprit, les joueurs qui m’ont marqué sont Souleymane Camara, Vitorino Hilton, Bruno Carotti et j’aimais bien aussi Habib Bamogo. Il nous manque des joueurs solides, des patrons comme nous en avons eu et qui infusent de la sagesse. Je peux aussi rajouter Bill Tchato ou encore Philippe Delaye. »

La victoire donne un peu d’espoir.

Le temps est passé vite mais il faut déjà se quitter. Nous nous séparons en pensant au match du soir, au combien important pour notre club. Signe du destin, la paillade s’impose à Nice (1-2). De quoi rassurer le réalisateur ? « La victoire donne un peu d’espoir. Je suis pessimiste mais il y a un peu d’espoir finalement, précise-t-il par téléphone. Je n’ai pas pu voir le match donc j’ai pas pu voir la mentalité qu’il y avait. Il a fallu un CSC et un pénalty mais on peut continuer à espérer et à y croire. » Difficile de le contredire, car si la victoire fait énormément de bien, le MHSC a été dominé en ayant pour une fois de la réussite. Maintenant, place au PSG ce dimanche où il faudra réaliser un autre exploit. Petit clin d’œil à Raphaël Quenard qui ne doit pas croire que le match est gagné d’avance. Auteur d’un beau discours lors de sa remise du César de la meilleure révélation où il a notamment rendu hommage aux agriculteurs, ce dernier devrait plutôt soutenir une équipe bien plus représentative de la « Farmers League » que le PSG… On le pardonnera grâce à ses magnifiques pirouettes vocales improvisées lors des César, décrochant plus d’un sourire au public et aux téléspectateurs. Juste, touchant et drôle.

Dans la famille du 7e art, Jean-Baptiste s’inscrit en digne successeur d’un certain Michel Galabru. Ce dernier était un grand supporter du Stade Olympique Montpelliérain (SOM) puis du MHSC, ayant passé une grande partie de son enfance au Bousquet-d’Orb (parc naturel régional du Haut-Languedoc), situé à environ 40 kilomètres plus à l’ouest de Montpeyroux dans l’Hérault, et être allé au collège et au lycée à Montpellier. Nous aimerions que Jean-Baptiste puisse écrire la fin du scénario de cette saison mais le football reste imprévisible. La « baballe » et pas celle de Malabar, continue d’occuper une place importante dans la vie du pailladin, comme pour nous tous. Espérons que nos joueurs retrouvent du mordant pour mettre la « baballe » au fond. Pas de cinéma, action messieurs !

Un grand merci à Jean-Baptiste pour cet échange de supporter à supporter. Nous lui souhaitons le meilleur pour la suite et nous suivrons avec attention ses productions, toujours agrémentées d’un soupçon d’orange et bleu. L’occasion aussi de mettre à l’honneur la jeunesse pailladine de nos villages de l’Hérault et au-delà.

A propos du film

La Bande-annonce
Musique « La Balle à Babar »
Générique du film
Le making of
Raphaël Quenard, César meilleure révélation masculine
Interview croisée Jean-Baptiste Durand / Raphaël Quenard

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